In the Mirror of the European Neighbourhood (Policy).
Mapping Macro-Regional Imaginations
De la crise économique de 2008 et ses conséquences au Brexit, en passant par la montée des extrêmes droites dans les pays membres ou les processus de recomposition politique en cours dans son voisinage (Printemps arabes, redéploiement du pôle russe, circulations migratoires en Méditerranée), depuis une décennie, le projet de construction politique d’une région européenne fait face à de nombreux défis. Facteurs d’incertitude, ils conduisent certains à envisager des espaces de constructions du politique alternatifs à la seule Union européenne (UE).
Ce projet de recherche franco-allemand a pour objectif d’analyser la dimension spécifiquement géographique des imaginaires qui animent les intégrations régionales dans cette partie du Monde. En croisant analyse de corpus textuels et iconographiques, l’objectif est d’identifier et d’étudier les régions du Monde auxquelles se sentent appartenir les populations de cinq pays occupant des situations différentes dans la région : l’Allemagne et la France, deux pays généralement considérés comme au cœur de cette partie du Monde, et trois pays dans des situations plus ambiguës, la Turquie, éternelle candidate à l’UE souvent considérée comme aux « portes de l’Europe » ou « entre trois mondes » (Asie centrale, Moyen-Orient et Europe), la Tunisie, située sur la rive sud de la Méditerranée mais à plus d’un titre intégrée à une grande région européenne (fonctionnelle, politique, etc.) et le Royaume-Uni, historiquement tourné à la fois vers le continent et le grand large, et qui suit désormais une trajectoire inédite de sortie de l’UE.
En prenant quelques distances avec une posture eurocentrée, qui considéreraient avant tout ces imaginaires régionaux au prisme de la seule « Europe », voire de l’UE, l’objectif de ce travail est d’analyser ces imaginaires tels qu’ils se manifestent dans ces pays, dans leur diversité et sans a priori de limites ou d’échelles (considérant autant des ensembles d’envergure continentale, comme l’ « Eurasie », que des sous-ensembles régionaux, comme la Scandinavie). En empruntant à la géographie politique critique l’idée que l’analyse des représentations politiques doit passer par l’étude d’une pluralité de discours, associant tant celui des élites et experts que les représentations populaires, ce projet ambitionne d’articuler différentes méthodes qualitatives et quantitatives (enquêtes par entretiens, par questionnaires, analyse semi-automatique de corpus) pour analyser trois grands types de discours : tirés d’enquêtes menées auprès de décideurs politiques, ou auprès d’étudiants, ou encore à travers l’analyse de corpus médiatiques (presse par exemple). Plus qu’une simple comparaison entre ces discours, l’ambition de ce projet est in fine d’analyser la circulation des imaginaires géographiques entre celles-ci et la manière dont ils se structurent.
Plus généralement, en engageant les tenants de deux courants de la géographie dans un même consortium, « théorique et quantitative », et analyse régionale côté français et critical geopolitics côté allemand, l’objectif théorique de ce projet vise à contribuer à l’analyse des macrorégions à travers le dialogue entre ces traditions qui travaillent rarement ensemble pour l’étude d’un même objet.