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Une analyse territoriale de l’Ukraine

Conclusion : l’Est dans un effet de ciseaux

Carte 14 – Une typologie régionale ukrainienne, vers 2012

La carte 14 propose une typologie en guise de synthèse :

  • La ville de Kiev semble de loin le territoire gagnant de la dernière décennie : des revenus élevés, une rapide progression des salaires, un solde commercial très déficitaire (toujours si l’on se fie aux données régionalisées du commerce extérieur, qui ne peuvent jamais être parfaitement pertinentes) qui traduit une très forte consommation, une progression démographique saisissante dans le contexte national et obtenue grâce aux migrations domestiques depuis toutes les autres régions du pays – un schéma typique d’une consolidation nationale.
  • Nos indicateurs suggèrent que l’Ouest de l’Ukraine a tiré parti de l’ère post-soviétique, au moins relativement : bien sûr il reste moins urbanisé et plus pauvre que la moyenne nationale, mais l’évolution démographique n’y est pas trop défavorable et les salaires progressent.
  • La partie centrale du pays est proche de la moyenne nationale pour tous les indicateurs.
  • Depuis la fin de l’ère soviétique et en particulier dans les années 2000, l’Est a grandement contribué à la constitution du nouvel État ukrainien : par une contribution fiscale, puisque ces régions demeurent plus riches que la moyenne nationale et sont contributrices nettes au budget de l’État ; par une contribution humaine, puisqu’elles envoient leurs jeunes dans la région capitale ; par une contribution financière externe puisqu’elles apparaissent comme les régions les plus exportatrices et commercialement bénéficiaires. Tout cela se produit dans le contexte difficile d’une croissance économique déprimée, de revenus en déclin relatif par rapport au reste du pays et d’une population rapidement vieillissante. Cette partie Est conserve d’importants liens économiques avec la Russie, particulièrement dans l’ingénierie et l’industrie qui dépendent du voisin oriental ; du reste le solde commercial avec la Russie est positif et d’importantes usines appartiennent à des entreprises russes. Une telle situation, combinée avec un ratio élevé de Russes ou de personnes se définissant comme tels (Carte 15), avec une proportion importante de familles russo-ukrainiennes et la très nette domination de l’emploi de la langue russe dans les échanges quotidiens, explique la réticence de nombreux citoyens lors de l’arrivée au pouvoir en février 2014 d’hommes politiques nationalistes de l’Ouest demandant une rupture avec la Russie. L’action conjointe des autorités de Russie a scellé l’approfondissement de la crise de construction de l’Ukraine moderne, au lieu d’en faire un territoire d’interface entre Europe et Russie.
Carte 15 – Le sentiment d’appartenance au monde russe au début des années 2000
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