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Une analyse territoriale de l’Ukraine

1. L’Ukraine dans son contexte macro-régional : une interface fragile entre l’Europe et la Russie

L’Ukraine joue un rôle capital dans les livraisons de gaz russe à l’Europe : 60 % du gaz russe consommé en Europe transite par le pays. Au cours de la dernière décennie, la Russie a développé des routes alternatives pour livrer son gaz à l’Europe : le North Stream (un gazoduc qui passe dans la Baltique pour desservir l’Allemagne directement, Carte 1) et le Blue Stream vers la Turquie. Un projet passant dans la Mer Noire vers l’Europe balkanique, South Stream, est en cours de construction.

Carte 1 – Le contexte géo-économique de l’Ukraine, 2013

La Russie comme l’UE se sont efforcées de convaincre les autorités ukrainiennes de l’intérêt d’une intégration économique avec eux. L’UE a promu le projet d’Accord d’association dans le cadre de la politique européenne de voisinage, tandis que la Russie insistait pour que l’Ukraine rejoigne l’Union douanière eurasiatique, mise en œuvre sous son leadership, avant qu’elle ne signe l’Accord avec l’UE. La position de l’UE comme de la Russie était que l’intégration proposée était incompatible avec l’intégration concurrente. Cette conception d’un jeu à somme nulle constitua l’origine de la crise qui a éclaté en novembre 2013, lorsque les autorités ukrainiennes ont indiqué, juste avant le Sommet du Partenariat oriental de l’UE, qu’elles ne signeraient pas l’Accord d’association.

L’Union européenne et la Russie sont les deux partenaires principaux de l’Ukraine (Carte 2).

Carte 2 – La géographie des relations internationales de l’Ukraine, vers 2010

L’Europe arrive en tête pour l’aide publique, la Russie pour les migrations ukrainiennes. Russie et Europe jouent un rôle équilibré en matière de transport aérien et pour le commerce extérieur ukrainien. Si l’on tient compte de la population de ces deux ensembles, le commerce ukrainien est nettement plus important avec la Russie qu’avec l’Europe. Le ratio additionne exportations et importations ; lorsqu’on s’intéresse aux seules exportations, les flux ukrainiens sont plus importants vers la Russie que vers l’Europe, héritage du passé soviétique commun. En outre, la figure 1 montre que la part de l’UE dans le commerce extérieur ukrainien avait progressé dans les années 1990 mais régresse depuis.

Figure 1. Le commerce extérieur ukrainien : le rôle déclinant de l’UE (en % du commerce ukrainien, marchandises et services, valeurs)

La carte 3 présente le PIB par habitant dans le voisinage oriental de l’Europe. Au cours de la dernière décennie, l’économie de l’Ukraine a montré des signes d’affaiblissement successifs. Depuis 2003 l’écart de croissance s’est accru avec la Russie car le système productif ukrainien ne s’est pas modernisé suffisamment vite faute des lourds investissements requis. Depuis 2005 le déficit commercial ukrainien s’approfondit, et depuis 2006 la dette publique explose. La trajectoire économique de l’Ukraine ressemble de moins en moins à celle d’un pays émergent. L’Ukraine reste un des territoires les plus pauvres du voisinage oriental européen avec quelques territoires du Nord Caucase. La partie occidentale de l’Ukraine présente un niveau de développement particulièrement bas. Le contraste est évident avec la Russie, et même avec la Biélorussie dont l’économie progresse depuis les années 2000.

Carte 3 – PIB par habitants, 2010

La carte 4 présente la situation dans un autre cadre géographique, celui de la région de la Mer Noire. L’évolution économique depuis les années 2000 montre une dynamique particulièrement faible en Ukraine. C’est moins le cas dans la partie orientale du pays, mais seulement parce que la population y décroît, ce qui maintient le niveau du PIB par habitant. On voit le contraste avec les territoires dynamiques de la Russie comme la péninsule de Taman et Sotchi, dans le Kraï de Krasnodar, et avec la Turquie.

Carte 4 – PIB par habitant autour de la Mer Noire, 2000-2010
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