TWINE – Cartographier le Monde à l’échelle infranationale

Retenu pour le projet 2019-2023 de la FR CIST, ce projet exploratoire est prévu pour 2 ans.

Les cartes à l’échelle mondiale contribuent à la construction de nos représentations mentales du Monde. Or, le choix plus ou moins contraint de la maille étatique contribue à construire une vision particulière du monde marquée par l’existence de discontinuités au niveau des frontières nationales et de situations homogènes à l’intérieur des pays. L’enjeu de ce nouveau projet exploratoire est donc de construire, de diffuser librement une base de données mondiale à l’échelle infranationale en même temps que d’offrir la possibilité de créer des cartes à partir de cette base de données grâce à Magrit.

Au-delà de leurs fonctions descriptives et analytiques, les cartes contribuent à la formation des représentations mentales de l’espace. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les cartes de l’espace mondial dont la nature éminemment politique des projections cartographiques et leurs rôles sur les représentations ont largement été démontrés (Battersby & Montello, 2009). Dans des travaux précédents, nous avons également montré le rôle de la maille étatique dans les représentations d’un monde aux phénomènes cloisonnés (Vandermotten, 2003 ; Didelon-Loiseau 2013). Pourtant de nombreux phénomènes simples, comme les densités de population ou la répartition des richesses, ont des structures qui ne sont pas, ou pas seulement, influencées par les frontières nationales. Les représenter en se dégageant de la maille nationale permet de donner à voir d’autres structures du Monde (d’autres gradients, d’autres discontinuités…) que celles auxquelles nous sommes habitués. Par ailleurs, bien des représentations cartographiques « étatiques » du Monde sont inadaptées et insuffisantes pour saisir la richesse des phénomènes en lien avec la mondialisation qui dessinent une géographie beaucoup plus fine que celle résumée par la maille étatique. Cette cartographie d’un monde « sans frontière » présente des enjeux sociaux importants puisque qu’elle permettrait de dépasser les représentations d’un monde organisé exclusivement par les territoires des États pour favoriser l’émergence d’un niveau global de pensée et de représentation. Pour autant, cartographier ces phénomènes à l’échelle mondiale soulève également des enjeux théoriques et méthodologiques considérables en termes de représentation de l’information territoriale. Les principaux défis portent sur la collecte et l’harmonisation des données, le choix des mailles de représentations les plus pertinentes, la construction de fonds de carte et l’analyse des données, ce que l’équipe interdisciplinaire que nous avons constituée (géomatique, géographie, démographie) sera à même de pouvoir mener.

Ce projet propose de poursuivre la réflexion théorique et méthodologique sur la construction d’une carte du monde à l’échelle infranationale que nous avons commencé à mener (Didelon-Loiseau et al., 2017) au-delà de ce qui a déjà fait dans une optique exploratoire et qui constitue déjà une innovation méthodologique importante dans la représentation et l’analyse quantitative de l’information territoriale à l’échelle mondiale. Nous focaliserons notre réflexion sur les moyens de rendre disponible et surtout utile cette base de données au plus grand nombre de personnes intéressées par la cartographie des phénomènes démographiques et sociaux à l’échelle mondiale, et notamment au-delà des chercheur.e.s intéressé.e.s par la structuration territoriale des phénomènes sociaux, aux acteurs ayant à mener des réflexions à cette échelles ou à ceux s’intéressant à la structuration de phénomènes transfrontaliers. Notre principal objectif est donc de permettre l’intégration de cette base de données comme « fichier projet » dans l’application en ligne et libre de cartographie développée à partir de 2017 à RIATE : Magrit. Outre des modes de représentations cartographiques classiques (cartes en figurés proportionnels, cartes choroplèthes), Magrit propose également des modes de représentations plus avancés (carroyages, lissages, discontinuités territoriales) qui permettent de donner à voir autrement les phénomènes territoriaux. Par ailleurs, Magrit propose une bibliothèque de fonds de carte (monde, Europe, France) qui constituent des ressources pour les utilisateurs. En développement continuel, cette application libre est ouverte aux contributions.

3 grands objectifs méthodologiques concrets

  • Finaliser la base de données, en la configurant dans un format maniable et en complétant les métadonnées et stabilisant les fonds de cartes. La question du format de stockage de la base de données se posera également.
  • Publier collectivement un data paper portant sur la méthodologie de la construction de la base de données et sur la représentation des données.
  • Intégration de la base de données et du fond de carte comme « fichier projet » dans Magrit, ce qui implique la pré-réalisation d’un certain nombre de cartes.
  • Ces productions méthodologiques seront, bien évidemment, complétées par des communications (articles ou conférences) de nature plus théorique ou thématique sur la représentation et l’analyse des données infranationales à l’échelle mondiale.

Bibliographie indicative

– Brotton J., 2013, Une histoire du monde en 12 cartes, Paris, Flammarion, coll. « Au fil de l’histoire ».
– Cox K., 2016, « Countries in question and human geography », Cybergeo, Les 20 ans de Cybergeo.
– Didelon C., Zanin C., 2010, « Un atlas pour comprendre l’espace mondial », M@ppemonde, n° 102.
– Didelon-Loiseau C., 2013, Le Monde comme territoire, pour une approche renouvelée du Monde en géographie, HDR, Université de Rouen.
– Durand M.F. et al., 2010, Atlas de la mondialisation 2010. Comprendre l’espace mondial contemporain, dossier spécial Russie, Paris, Presses de Sciences Po.
– Grataloup C., 2012, Représenter le Monde, Documentation photographique n° 8084, Paris, La Documentation française.
– Hurel K., Poncet P., 2008, « Le Monde comme vous l’avez jamais vu », La GéoGraphie, Terre des hommes, n° 1529, p. 42-47.
– Openshaw S., 1977, « A geographical solution to scale and aggregation problems in region-building, partitioning and spatial modeling », Transactions of the Institute of British geographers, New series, vol. 2, n° 4, p. 459-472.
– Poncet P., 2008, « La carte dit-elle le Monde ? », La GéoGraphie, Terre des hommes, n° 1529, p. 8-12.
– Vandermotten C., 2003, « Répartition de la richesse et de la population du monde », Belgéo, 2003(2), p. 223-224.

fr_FR