3. Passer des « migrations » aux « mobilités »
3.1. L’Europe forteresse : de plus en plus de morts, de moins en moins d’avenir
La migration est un droit reconnu par divers textes internationaux, y compris par la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1948 qui annonce dans son article 13 que « toute personne est libre de quitter son pays ». Pourtant, depuis le milieu des années 1970, l’Union européenne s’est lancée dans la mise en place d’une politique de limitation de l’immigration qu’elle n’a eu de cesse de durcir depuis. À chaque fois qu’un point de passage était fermé (détroit de Gibraltar, îles Canaries, Lampedusa, etc.), les flux migratoires se sont vus déviés vers d’autres routes souvent plus périlleuses et plus longues. Avec le déploiement financier, technique, juridique et géopolitique que nécessite la mise en œuvre de ces dispositifs de contrôle, le trajet vers l’Europe est devenu plus cher et plus meurtrier. Au total, plus de 23 000 personnes sont mortes depuis le début des années 2000 en tentant d’entrer illégalement dans l’Union européenne.
Une hécatombe migratoire
Depuis la première convention signée en 1985, l’espace Schengen se construit comme un espace de libre circulation des personnes à travers l’Europe. Il compte aujourd’hui 26 pays. Mais si la libre circulation est désormais un acquis pour les Européens, le droit de traverser les frontières induit simultanément un durcissement des contrôles sur les frontières extérieures. C’est le revers de la médaille, il faut « protéger » la forteresse.
Mais la frontière européenne n’est pas figée telle une ligne tracée sur une carte. Ce qui n’était au départ qu’une réponse administrative improvisée, l’enfermement des migrants, est devenu aujourd’hui le cœur des politiques migratoires européennes. Depuis 2003, les « camps » sont en effet devenus un des instruments privilégiés de gestion des migrants. Loin de se concentrer dans les États Schengen, la politique d’enfermement des étrangers se propage bien au-delà des frontières de l’UE, dans les pays de son voisinage. Progressivement, l’Europe tisse ta toile. Elle externalise ses contrôles migratoires et dessine une nouvelle frontière, invisible et réticulaire. Environ 600 000 étrangers seraient maintenus en rétention chaque année.