Rapports à l’espace et formes d’engagement. Ancrage, attachement et territorialisation

Date 

6 décembre 2018 - 7 décembre 2018    

Catégories

Les journées se tiennent salle du conseil à l’UFR de droit et sciences sociales/Université de Tours
[sur inscription avant le 15 novembre 2018]

Comité d’organisation
Hélène Bertheleu, Julie Garnier, Gülçin Lelandais,
Martin Lamotte, Patrice Melé, Catherine Neveu, Héloïse Nez[/quote]

L’objectif de ces journées, organisées par l’axe Actions et territorialisations en collaboration avec l’équipe CoST du laboratoire CITERES membre du CIST, est d’analyser la place qu’occupe la question des rapports à l’espace des individus et des groupes au sein des travaux sur les mobilisations locales, sur les conflits de proximité, sur les modalités d’engagement territorialisées.

A un premier niveau d’analyse, il est possible d’identifier la prégnance des références à « l’identité » de groupes qui seraient caractérisés par une certaine forme de localisation ou d’appropriation de lieux, d’espaces ou de territoires. Les notions d’appartenance, d’enracinement, d’ancrage, d’attachement cherchent à rendre compte des qualités de la relation des individus ou des groupes à des lieux et à des espaces. La recherche urbaine est marquée par les références aux rôles du « quartier » et par des débats sur le poids des « communautés locales ». Ces modalités de relations à l’espace sont considérées comme des supports de mobilisation, comme des ressources à la disposition des acteur.e.s (cf. la notion de capital d’autochtonie), comme des éléments explicatifs du déclenchement de conflits contre des projets affectant les usages ou les modalités d’appropriation d’un espace ou alors, dans d’autres cas, comme des refuges.

Certes les critiques portées sur le vocabulaire de l’enracinement, de l’identité ou de l’ancrage sont nombreuses, certaines évoquent la notion plus processuelle d’identification à des groupes ou des espaces. Les recherches qui se focalisent sur les effets des conflits mettent en évidence ce qui est produit ou modifié dans le cadre des mobilisations et identifient de nouvelles formes de territorialisation. D’autres conceptions conduisent à penser les mobilisations comme des réseaux multi-niveaux et les sous-espaces locaux comme des milieux, comme des contextes, permettant d’amplifier, de relayer, de relocaliser une cause. Mais tout semble se passer comme si une grande partie des études sur des formes locales de mobilisation ou d’engagement tendait à présupposer ou à identifier l’existence de groupes localisés ou territorialisés constitués en acteur collectif.

Paradoxalement, alors que les nombreuses études de cas montrent que c’est souvent face à une menace que des groupes se constituent sur une base locale pour protéger leur espace de vie et mettent en place des stratégies d’appropriation et de valorisation, peu de travaux remettent en cause la croyance à l’existence d’un lien de causalité entre territorialisation des expériences spatiales et mobilisations. Malgré de nombreuses enquêtes sur les pratiques urbaines qui concluent à la construction d’une expérience urbaine en réseau, peu de chercheur.e.s effectuent un lien entre ce type de pratiques et les formes d’engagement – en particulier pour les milieux populaires – à l’exception notable de recherches traitant de l’expérience des migrants dans les métropoles ou de l’analyse de modalités d’engagement transnationales.

Dans ce contexte, ces journées s’organiseront à partir de la présentation de recherches questionnant de différentes manières les notions d’ancrage, d’attachement, d’autochtonie et/ou proposant des modalités alternatives de saisir les rapports entre expériences de l’espace et formes d’engagement et de mobilisation. Nous chercherons en particulier dans une perspective pluridisciplinaire à expliciter les concepts et positions présents au sein des travaux des participant.e.s et au sein de la littérature, à mettre en évidence les débats et les enjeux heuristiques.

Au-delà du cadrage général proposé par ce texte, nous souhaiterions focaliser ces journées sur des mobilisations urbaines, environnementales ou patrimoniales. En première analyse nous pouvons identifier quatre axes de discussion entre les travaux qui seront présentés :
– Comment penser les relations entre dynamiques socio-spatiales – mutations des modes d’habiter et des mobilités – et transformations des modalités d’engagement ?
– Comment saisir à la fois les effets des mobilisations sur les rapports à l’espace et le temps long des constructions territoriales ?
– Comment penser la place de l’espace dans le cadre de mobilisations multi-échelles, de mobilisations ancrées à la fois internationalement et localement ?
– Comment saisir les rapports entre, d’une part, les stratégies de « montée en généralité » de certains groupes locaux mobilisés, d’autre part, les tentatives de « montée en particularité » de militants qui tentent d’ancrer une cause dans un espace et, enfin, les nouvelles formes de construction de « communs » territorialisés ?

Jeudi 6 décembre 2018 – 9h30-16h30

10h-10h30

Introduction présentation des objectifs des journées d’études – Patrice Melé
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10h30-11h
[toggle_item title= »Stéphanie Dechézelles & Maurice Olive, CHERPA – Attachement, ancrage, autochtonie. Réflexions à partir de mobilisations environnementales et urbaines » active= »false »]Cette intervention reprend pour l’essentiel la matière de l’introduction générale d’un ouvrage à paraître sous le titre Politisation du proche. Les lieux familiers comme espaces de mobilisation (S. Dechézelles & M. Olive (dir.), Rennes, PUR, coll. « Res publica »). Nombre des réflexions développées dans ce texte, ainsi que dans un ensemble plus large de publications et d’événements scientifiques relevant d’un des axes du CHERPA (Sciences Po Aix), entrent en résonnance avec le questionnement de ces journées d’études ; plus particulièrement avec 2 axes de l’appel, sur lesquels l’intervention s’attardera : l’influence des parcours résidentiels et des mobilités socio-spatiales dans l’engagement pour le proche d’une part ; la gestion militante des tensions collectives entre politisation et stratégies de spatialisation, autrement dit, entre montée en généralité et localisation d’autre part. A partir de nos terrains respectifs – conflits localisés contre l’implantation de parcs éoliens en milieu rural, mobilisation de riverains sur le devenir d’une friche industrielle polluée sur un littoral urbanisé – il s’agit d’interroger les différentes modalités d’ancrage et d’attachement aux lieux de vie, et la manière de les appréhender comme mobiles d’engagement et leviers de construction d’un public mobilisé.

Stéphanie Dechézelles est maître de conférences en science politique à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, chercheure au CHERPA (EA 4261) et au LAMES (UMR CNRS 7305). Ses travaux s’inscrivent dans la sociologie de l’engagement, en particulier en faveur de causes faisant l’objet de disqualifications. Elle a d’abord étudié les ressorts du militantisme chez les jeunes dans les droites radicales italiennes et se consacre désormais aux mobilisations hostiles aux installations de production électrique à partir d’énergies renouvelables. Sur le premier thème, elle a notamment publié « Des vocations intéressées ? Les récits d’engagement des jeunes de Forza Italia à l’aune du modèle rétributif du militantisme », 2009, Revue française de science politique, 59 (1), et co-dirigé avec Simon Luck Voix de la rue, voie des urnes. Mouvements sociaux et partis politiques, 2011, Rennes, PUR. Sur le second, outre divers articles et chapitres consacrés aux collectifs hostiles à l’éolien de grande taille, elle est la coordinatrice, avec Maurice Olive, des numéros thématiques « Conflits de lieux, lieux de conflits », Norois, 2016/1, n° 238 et « Mouvements d’occupation », Politix, 2017, n° 117, ainsi que de l’ouvrage Politisation du proche. Les lieux familiers comme espaces de mobilisation (à paraître), Rennes, PUR.

Maurice Olive est maître de conférences en science politique à l’Université d’Aix-Marseille et chercheur au CHERPA (Sciences Po Aix). Ses travaux portent actuellement sur les mobilisations locales et les conflits suscités par les projets d’aménagement urbain. Dernières publications en lien avec la thématique : « Une fermeture accommodante. L’inscription contrariée d’une occupation d’usine dans l’espace du quartier », dans S. Dechézelles S. et M. Olive (dir.) (à paraître), Politisation du proche. Les lieux familiers comme espaces de mobilisation, Rennes, PUR ; « Du trouble privé au problème public ou… l’inverse ? Mobilisation locale autour d’un site industriel pollué » (à paraître), Geocarrefour ; « Du passé industriel faisons table rase. Mobilisations (s) sur le devenir d’une friche », in I. Backouche et al. (dir.), La ville est à nous ! Aménagement urbain et mobilisations sociales depuis le Moyen-Âge, 2018, Paris, éd. de la Sorbonne ; « Les mouvements d’occupation : agir, protester, critiquer », Politix, 2017/2, n°117, p. 9-34 (avec S. Dechézelles) ; « Lieux familiers, lieux disputés. Dynamiques des mobilisations localisées », Norois, 2016/1-2, n°238-239, p. 7-21 (avec S. Dechézelles).[/toggle_item]

11h30-12h
[toggle_item title= »Gabriela Merlinski, Institut Gino Germani – L’ancrage territorial de l’action collective environnementale en Argentine » active= »false »]Cette communication a pour objectif d’explorer différents aspects du processus de production de connaissance en collaboration mené par différentes organisations territoriales, collectifs de recherche et mouvements de justice environnementale en Argentine. Nous chercherons à décrire des processus de construction de connaissances à différentes échelles, en tenant compte la diversité des acteurs et de la manière dont les savoirs contre-experts et académiques se mettent en relation. Nous nous intéressons à comprendre des luttes environnementales en termes de la construction de demandes de politiques de reconnaissance. Cela nous permettra de construire une réflexion sur les processus d’ancrage territorial des demandes pour la justice environnementale en Argentine.

Gabriela Merlinski, professeure, Faculté de sciences sociales, Université de Buenos Aires ; chargée de recherche pour le Conseil national de la recherche scientifique et technique (CONICET), Institut de recherches Gino Germani, groupe d’études urbaines ; coordinatrice du groupe d’études environnementales. Ses travaux portent sur l’analyse des modalités, formes et effets de la conflictualité environnementale en Argentine. Elle a publié en particulier sur cette thématique : Política, derechos y justicia ambiental. El Conflicto del Riachuelo. Fondo de Cultura Económica. Buenos Aires ; Cartografías del conflicto ambiental en Argentina I y II. Buenos Aires, Editorial CLACSO-CICCUS, 2014-2016. ; avec G. Alonso, R. Gutierrez & P. Besana, 2016, El gobierno municipal frente al desafío de la articulación: Políticas sociales y ambientales en el Conurbano Bonaerense, UNSAM EDITA.[/toggle_item]

14h-14h30
[toggle_item title= »Arnaud Mège, GRESCO – Les formes de l’engagement pour la décroissance. La quête d’un idéal localisé, entre épanouissement personnel et sociabilités militantes » active= »false »]La production de l’identité des militants pour la décroissance se réalise dans le cadre de multiples pratiques. Ces dernières se conçoivent, du point de vue des militant-e-s qui les mettent en œuvre, comme autant d’alternatives possibles et souhaitables à la société actuelle, fondée sur la nécessité de favoriser et d’entretenir la croissance économique, si possible à des niveaux élevés. En s’opposant à cette vision du monde, les décroissant-e-s cherchent à définir les contours d’une société organisée autour d’autres normes et valeurs visant à redéfinir les besoins utiles et légitimes. Cette conception d’une société qualifiée d’anti-productiviste passe par la valorisation du local comme échelle pertinente de l’action militante, car elle permet de répondre à cette double injonction : se réaliser en tant que personne autonome et s’inscrire dans le cadre d’une participation active à la vie du réseau des alternatives locales. Ainsi, l’ancrage local apparaît comme une ressource importante qui permet à l’ensemble des militant-e-s de (ré)organiser leur vie autour d’une idée forte : la cohérence. Cependant, la mise en conformité de soi avec le modèle idéalisé du/de la « vrai.e » militant.e trouve ses limites dans les conditions de possibilité de l’appropriation du « local ». En effet, en fonction des ressources dont disposent les militant-e-s (notamment économiques et d’autochtonie), leur engagement révèle une tension forte entre l’importance accordée à l’individu d’un côté (accès à la propriété privée), et la nécessité de produire du collectif de l’autre (implication locale au sein de groupements militants et/ou associatifs).

Arnaud Mège est docteur en sociologie de l’Université de Poitiers, chercheur associé au GRESCO. Sa thèse, soutenue en décembre 2016, Militer pour la décroissance. De l’émergence d’une idéologie à sa mise en pratique, a notamment donné lieu à la publication d’un article dans la revue Terrains & Travaux en 2017 « Faire autrement. Tensions entre idéaux et contraintes pratiques de militants pour la décroissance ». Il est membre du réseau de recherche Symbios (ANR Les mouvements de transition vers une société frugale. Sensibilisation, transmission de savoirs, expérimentations sociotechniques et communautés de coopération) et actuellement ingénieur de recherches au sein du laboratoire CITERES, où il participe à une recherche sur les conditions d’appropriation des outils de la télémédecine par les personnels de santé de la région Centre-Val-de-Loire.[/toggle_item]

15h-15h30
[toggle_item title= »Marion Florez, ESO – Modalités de l’appropriation territoriale et formes d’engagement : Une re-définition du rapport à l’espace par la « co-lutte(s) » » active= »false »]Dans le cadre d’une recherche portant sur les effets de l’ancrage d’une mobilisation territoriale contre un projet d’aménagement, nous nous sommes intéressés au cas de la première Zone à Défendre (ZAD) constituée en France, celle de Notre-Dame-Des-Landes. Selon nous, les nouvelles modalités d’engagement telles que la mobilisation politique par l’occupation sont révélatrices de nouveaux rapports sociaux et spatiaux que les hommes entretiennent avec leur espace et la société. L’expérience de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes participerait, alors, à l’émergence de dynamiques socio-spatiales telles que l’apparition de nouveaux modes d’habiter, de lutter, de se mobiliser ou encore de produire. Ainsi, dans la perspective d’une réflexion sur les effets du contexte conflictuel dans le cas de l’expérience de la ZAD, nous avons élaboré un concept qui nous paraît éclairant et révélateur des processus à l’œuvre sur ce territoire. Le territoire de la ZAD n’est plus seulement le support du conflit mais devient l’enjeu même d’une lutte plus large et plus globale, territoire sur lequel s’invente la « co-lutte(s) ». Dans le cadre de ces journées d’études, nous souhaitons présenter et discuter la proposition suivante : En quoi, la « co-lutte(s) » comprise tout à la fois comme processus d’activation de dynamiques et comme résultat de celles-ci serait-elle à l’origine de la re-définition du rapport de l’homme à l’espace ? A travers la présentation des résultats de ce projet de recherche, nous souhaitons participer aux questionnements qui émergent et relient rapports à l’espace et formes d’engagement.

Marion Florez, géographe, Université de Rennes 2, titulaire d’un master recherche DYSATER (Dynamiques sociales et aménagement des territoires) avec un M1 portant sur « L’inscription spatiale comme enjeu et support d’un conflit » et un M2 sur « L’expérience de la ZAD : une re-définition du rapport à l’espace par la « co-lutte(s) » ». Elle a réalisé un stage au service Urbanisme de Le Mans Métropole sur l’intégration du paysage et du patrimoine dans les documents d’urbanisme et participe avec l’association du master « Lmady » à l’organisation des Nuits de la géographie à Rennes sur le thème de l’altérité. Enfin, depuis septembre 2018, elle a commencé une thèse au laboratoire ESO de Rennes en collaboration avec le DREAL Bretagne sur les conflits d’usage sur le littoral breton et sur la manière dont il est possible de les valoriser dans une perspective de co-construction.[/toggle_item]

16h-16h30
[toggle_item title= »Federica Gatta, PACTE – Engagements et projet urbain : échelles d’action et de récit » active= »false »]Les rhétoriques sur le projet urbain en lien avec la démocratie participative et la rénovation temporaire mettent en avant, depuis les années 1990 en France, les notions de « proximité » et de « tactique » urbaine. Celles-ci sous-entendent la nécessité d’une relation étroite entre l’engagement à échelle micro-locale des acteurs et leur participation au processus de transformation urbaine. À travers nos recherches, nous soulignons comment ce contexte produit des dispositifs qui contribuent à une redéfinition continuelle des formes d’engagement des mouvements urbains et à la production de formes d’altérité qui éloignent les citadins des enjeux sociaux liés à l’espace et à sa transformation. Si la transformation de l’espace urbain peut être considéré comme un objet d’engagement, l’observation des échelles d’action et de récit devient centrale pour comprendre les effets d’influence mutuels entre mobilisations et construction territoriale. Cette communication propose d’affronter ces questionnements à travers l’analyse des enjeux anthropologiques de la participation au projet urbain dans les contextes de construction métropolitaine.

Federica Gatta est architecte, docteure en aménagement de l’espace et urbanisme ; maître de conférences à l’Institut d’Urbanisme et de Géographie Alpine de l’Université Grenoble Alpes ; chercheure au laboratoire de sciences sociales PACTE et au Laboratoire Architecture Anthropologie (LAVUE). Ses recherches se concentrent sur l’analyse anthropologique des enjeux sociaux, spatiaux et politiques de la transformation urbaine. Elle s’intéresse en particulier aux situations de négociation et de conflit qui questionnent le rôle de la critique en urbanisme et à la relation entre pratique ethnographique et projet urbain. Elle a publié en particulier sur cette thématique : (Contre)pouvoirs urbains ? Éléments pour une critique anthropologique de l’urbanisme participatif (à paraître en novembre 2018), éd. Donner Lieu, Paris ; « L’habitant dans les transformations urbaines. Figure de l’engagement ou de l’altérité ? », in J.-P. Higelé & L. Jacquot (dir.), 2017, Figures de l’engagement. Objets, formes, trajectoires, Nancy, PUN-éd. universitaires de Lorraine, 2017 ; « (Counter)powers and public space imaginary. An analysis of participatory planning situations through the example of Parisian urban transformations », Planum. The journal of urbanism, Magazine section, 2017, 34(1), p. 1-24.[/toggle_item] [/toggle_box]

Vendredi 7 décembre 2018 – 8h30-16h

[toggle_box] 9h-9h30
[toggle_item title= »Thomas Lacroix, Maison Française d’Oxford – Engagements migrants et territorialité transnationale : itinéraire d’une réflexion » active= »false »]Depuis vingt ans, le concept de territoire est au cœur de la réflexion sur les spatialités de la mobilité. Pourtant, ce concept m’a longtemps semblé impropre pour qualifier les dynamiques spatiales transnationales. Je n’étais pas satisfait par l’usage dépolitisé qu’en faisait la géographie, et ce, au moment même où la science politique annonçait la « fin des territoires ». Or, après plusieurs années de réflexions et d’analyse sur le monde vécu des migrants, je reviens à présent vers ce concept de territoire. Ce retour s’est opéré à la faveur d’une question qui au centre de mon habilitation à diriger des recherches : comment ceux qui sont restés parviennent-ils à exercer une autorité sur les migrants (notamment pour les contraindre à leur envoyer de l’argent) malgré la distance ? En d’autres termes, comment le pouvoir circule-t’il par-delà les frontières ? Cette présentation retrace cet itinéraire d’une réflexion en s’appuyant sur mes travaux sur le transnationalisme nord-africain. Je montrerai comment se construit une territorialité transnationale par le truchement de la formation d’un espace vécu transfrontalier et la création d’institutions sociales en migrations (familles transnationales, associations villageoises…) qui sont de véritables relais de pouvoir.

Thomas Lacroix est chargé de recherche en géographie au CNRS. Il travaille sur les relations entre transnationalisme, intégration et développement et plus particulièrement sur le transnationalisme maghrébin. Ses thèmes de recherche incluent la relation migration et développement, les théories des migrations et du transnationalisme, la mémoire diasporique, le commerce ethnique, le transnationalisme associatif et familial. Il a été directeur adjoint de Migrinter (2015-2017). Il est actuellement coordinateur adjoint de la revue Migration Studies, chercheur associé au CERI et fellow à l’Institut Convergence Migrations. Il a publié en 2016 Hometown Transnationalism, Palgrave et Migrants: l’impasse européenne, Armand Colin et en 2017 International Migrations and Local Governance (avec Amandine Desille, Palgrave).[/toggle_item]

10h-10h30
[toggle_item title= »Julie Garnier, CITERES & Anaïs Leblon, LAVUE – Agir « ici » pour fonder un lieu de mémoire « là-bas ». Réseaux et ancrage au cœur de l’activisme patrimonial en milieu peul » active= »false »]Dans cette intervention, nous proposons d’interroger les rapports entre expériences de l’espace et engagement à partir d’une revendication patrimoniale portée par un réseau de militants africains depuis une vingtaines d’années avec l’appui d’un collectif qui s’est constitué en France autour de différents acteurs (architectes, cinéastes, travailleurs sociaux, professionnels du patrimoine, chercheurs). Cette revendication a pour objet la construction d’un écomusée du peuple peul dans un petit village de la région de Matam au Sénégal. Ce projet a plusieurs fois changé de forme et de sens au grès des contextes et de la recomposition des réseaux d’acteurs impliqués. Aujourd’hui, après plus de dix années de mobilisation, il semble enfin être entendu par l’État sénégalais et les populations concernées. Comment dans ce contexte, s’opère l’articulation entre une revendication qui concerne la mémoire d’une migration internationale et le besoin d’ancrer un passé et une « culture » localement pour produire « une histoire à soi » ? Pouvons-nous y voir le refus des migrants d’être considérés comme des « immigrés » déterritorialisés ? Qu’est-ce que cela dit du rôle et de la place occupée par les migrants dans leur région d’origine ? De leur rapport au territoire ? Plus largement, nous nous demanderons aussi à quelles échelles et selon quelles méthodes, le sociologue, l’anthropologue doivent-ils conduire leur enquête pour saisir la place de l’espace dans cette demande patrimoniale ancrée à la fois internationalement et localement ?

Anaïs Leblon, anthropologue est maître de conférences à l’Université Paris Saint-Denis. Elle est chercheure au laboratoire LAVUE (UMR 7218 équipe AUS) et associée à l’IMAF (Institut des mondes africains). Ses travaux de recherche portent sur les processus de patrimonialisation et de transmission culturelle en Afrique de l’Ouest (Mali) et dans la diaspora peule en France. Elle est co-fondatrice et coadministratrice du Réseau des Chercheurs sur les Patrimonialisations.
Julie Garnier, socio-anthropologue, est maître de conférences à l’Université de Tours, et chercheure au laboratoire CITERES (CNRS UMR7324) dans l’équipe COST. Ses travaux ont porté sur les migrations africaines en France, les économies ethniques, et plus récemment sur les processus de patrimonialisation des migrations.
Depuis 2012, elles conduisent ensemble une enquête ethnographique sur l’histoire d’un projet de construction d’un écomusée de la culture peule au Sénégal, qui a donné lieu à plusieurs publications récentes : « Une patrimonialisation des migrations en tension : entre le local et le transnational. L’exemple d’un projet « d’écomusée peul » dans la région de Matam (Sénégal) », Autrepart, 2017, n° 80, p. 85-102 ; « Faire patrimoine en migration : entre blocage étatique, réseaux transnationaux et désirs de développement local. Analyse d’une revendication patrimoniale portée par une association de migrants africains », in C. Barrère, G. Busquet, A. Diaconu, M. Girard & I. Iosa, Mémoires et patrimoines. Des revendications aux conflits, 2017, Paris L’Harmattan, coll. « Habitat et société », p. 217-231.[/toggle_item]

11h-11h30
[toggle_item title= »Éric Glon, TVES – Revendications territoriales et résurgence culturelle des peuples autochtones dans l’ouest canadien » active= »false »]La plupart des peuples autochtones se mobilisent dans le monde pour revendiquer l’accès à leurs territoires traditionnels, aux ressources qui s’y trouvent et pour faire vivre leurs héritages culturels. Cette mobilisation met en avant des ontologies très différentes de celles véhiculées par les Occidentaux. Elle met aussi en évidence une véritable résurgence culturelle de ces peuples autochtones où la cartographie et les noms de lieux occupent une place importante comme nous le verrons pour l’ouest canadien.

Éric Glon est professeur de géographie et membre du laboratoire TVES à l’Université de Lille. Ses recherches portent sur la valorisation/protection des ressources et de la nature notamment à l’échelle locale, ainsi que sur les processus participatifs impliquant les populations locales et autochtones dans les projets de territoire. Il s’intéresse également aux cartographies participatives, en particulier celles réalisées par les peuples autochtones. Parmi ses publications : 2016, « Accéder à la carte. L’exemple des cartographies autochtones chez les Lil’wat (Canada, Colombie britannique) », in J.-M. Besse, G.-A. Tiberghien (dir.), Opérations cartographiques, 2015, Actes sud/ENSP ; « La recherche collaborative en géographie avec les Autochtones. Éléments pour une approche critique », Géocarrefour, 2015 ; avec Anderson Chebanne, « Peuples autochtones et patrimonialisation de la nature protégée : les San indésirables dans le « Central kalahari » (Botswana) ? » VertigO, Juin 2103, Hors série n° 16.[/toggle_item]

12h-12h30
[toggle_item title= »Martin Lamotte, CITERES – Le territoire des gangs : d’une écologie de la ville à l’observation flottante pour analyser le Pueblo Ñetas » active= »false »]Dans cette communication, je voudrais revenir sur la question du rapport entre ancrage territorial et construction politique en interrogeant la circulation du concept de pueblo dans l’histoire du gang new yorkais Los Ñetas. Pour comprendre ce rapport entre territoire, ancrage et engagement, je décrirai l’évolution du concept de Pueblo que les Ñetas mobilisent pour désigner aussi bien leur territoire (space), leur membre (people) et une abstraction politique. Au cours de leur histoire, ce Pueblo passe d’une conception spécifiquement liée au territoire local et à une structure organisationnelle de type street corner gang, au Pueblo Monde, correspondant à une structure globalisée et décentrée de son territoire d’origine. Il s’agira de mettre en lumière la façon dont les transformations de l’usage de la ville influencent jusqu’aux conceptions des principes politiques des Ñetas, mais comment aussi, le processus de centralisation engagé à partir des années 1990 transforme l’échelle territoriale de référence du gang.

Martin Lamotte, chargé de recherche CNRS-CITERES, anthropologue urbain, travaille sur les sociétés criminelles, leurs rapports à l’État et au territoire. Il a ainsi ethnographié le gang Los Ñetas entre New York (US), Barcelone (Espagne), Guayaquil (Équateur) et San Juan (Porto Rico). Pour ce faire, il a réalisé une enquête de terrain multi-située sur quatre années, dans lequel il a suivi l’évolution du gang et la vie des membres. Il est actuellement membre de l’équipe de direction de monde commun, Des anthropologues dans la cité, PUF.[/toggle_item] [/toggle_box]

14h30-16h

Conclusion synthèse, session de discussion, ouverture des débats – Maurice Blanc, Catherine Neveu, Patrice Melé

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