AAC CIST2020 – Ateliers-débats sur les sciences territoriales à l’épreuve de la Covid

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Date limite
15 septembre 2020    

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Organisation de trois ateliers-débats lors du colloque 2020 du CIST

Au début de l’année 2020, la pandémie de la Covid-19 est devenue en quelques semaines une épreuve qui a touché indifféremment les populations de tous les pays, sur tous les continents, constituant un défi quotidien pour les citoyens et les acteurs publics ou privés du monde entier. À la question centrale de gestion de la crise sanitaire se sont ajoutés les problèmes sociaux, économiques et politiques provoqués par les décisions d’urgence, notamment de confinement et d’isolement.
Comment les sciences territoriales peuvent-elles contribuer à la description, à l’analyse et à la modélisation de cette perturbation inédite, mobilisant de nombreuses formes territoriales, agissant à toutes les échelles, de la plus locale à la plus globale, à la fois pour le présent et pour le futur proche ?

L’ampleur du phénomène

La crise du coronavirus constitue-t-elle le troisième événement global mondial du XXIe siècle après le 11 septembre 2001 et la crise financière de 2008-2011 ? Annonce-t-elle une rupture historique comparable à celle de la Peste noire du XIVe siècle ? Ou n’est-elle juste qu’un avatar plus marqué des pandémies récentes (SRAS, H1N1, Ebola, etc.) ? Si une description de l’importance historique de l’événement semble prématurée, il est néanmoins possible d’analyser sa magnitude en termes de portée spatiale et de perturbation de l’ensemble des dimensions territoriales de la vie en société. La Covid-19 est en effet plus spectaculaire et plus globale que les crises antérieures parce qu’elle s’est produite à quelques semaines près partout et que ses formes d’expression sont assez semblables. En revanche, les effets produits par la maladie, à moyen ou long terme, et les conséquences des décisions sanitaires adoptées diffèrent significativement d’un territoire à l’autre.

Il existe de nombreuses façons d’interroger la crise actuelle et aucune discipline scientifique ne dispose de privilège en la matière. Les spécialistes d’épidémiologie ont logiquement monopolisé le débat dans les premiers temps de l’épidémie avant d’être progressivement remplacés par des spécialistes de prévisions économiques sur les effets à moyen et long termes de cette crise sanitaire. À l’interface de plusieurs disciplines, les sciences territoriales ont certainement un rôle original à jouer du fait de leur capacité à penser la complexité des dynamiques territoriales, depuis l’espace intime du foyer jusqu’aux échelles nationales et mondiales.

La dimension territoriale de l’épidémie

Toute épidémie possède des dimensions territoriales multiples. Au plus près, la bien mal nommée « distanciation sociale » est, avant tout, une distanciation spatiale. Au plus englobant, le grand retour des frontières comme distanciation politique légitime entre les États a également été massivement acté comme mesure « nécessaire », malgré une efficacité contestée. Les questions de distance et de frontière sont à l’évidence prises en compte par les travaux d’épidémiologie ou de sciences politiques. Mais les sciences territoriales peuvent sans doute y apporter un cadre de réflexion plus général autour notamment des concepts de territoire, espace, droit et mobilité.

À cet égard, l’un des principaux débats politiques né de la crise porte sur la remise en question des libertés publiques notamment celle de circuler librement. L’absence de variations territoriales de l’application de ce confinement décidé nationalement interroge. Espaces très denses comme très peu denses, villes comme campagnes, ont subi le plus souvent les mêmes règles de confinement. Mais les formes de déconfinement ont été beaucoup plus variables et ont souvent mis en évidence des jeux complexes d’échelles, du local au global, en passant par le régional et le continental. Nous proposons d’identifier 5 échelles pour lesquelles les questions territoriales se posent de manière différente pour éclairer rétrospectivement l’événement.
1) La montée du local est devenue évidente en tant que territoire de proximité. Les fonctions de première nécessité ont été assurées localement durant la crise et la notion de « circuits courts » en ressort très renforcée. Elle conduit nécessairement à repenser le rôle des différents échelons territoriaux d’organisation ou de contrôle de la vie économique, écologique et sociale.
2) Les échelons infranationaux ont joué un rôle croissant depuis le début de la crise. Ils ont ainsi assuré la coordination des flux de patients entre hôpitaux ou de matériels entre opérateurs. La comparaison des mesures prises en France, Allemagne ou Italie, montre un rôle clé de ces échelons intermédiaires qui articulent les services fournis par les régions, départements et métropoles avec les ressources locales des villes moyennes ou petites et des espaces ruraux.
3) La capacité de l’échelon national à œuvrer en urgence et au nom de l’intérêt général reste à interroger. En installant le territoire national comme première et (souvent) unique référence pour agir, les États ont rappelé le primat de la souveraineté qui s’était parfois dissoute dans la globalisation ou la régionalisation des échanges économiques. Le débat public à venir devra nécessairement questionner l’efficacité territoriale des politiques publiques en temps de crise, notamment celle des systèmes de santé ?
4) Une recomposition du rôle et des périmètres des niveaux macrorégionaux (supra-étatiques) s’observe ici et là. L’Union européenne s’avère être un échelon clé, non pas pour se doter de la compétence sanitaire (qu’elle n’a pas), mais pour accompagner les conséquences sociales, économiques et politiques provoquées par la crise du confinement. Quel type de territoire européen pourrait-il renaître de cette crise ?
5) Une nouvelle vision globale semble également inéluctable. Les controverses sur le rôle de l’OMS, et plus généralement des organisations internationales face à la crise, démontrent la nécessité de principes de gouvernance partagée capable de penser une juste articulation entre les pouvoirs existants légitimes dans leurs propres territoires. Face aux dissensions internationales, un territoire mondial de la sécurité sanitaire pour tous les humains est-il encore ou à nouveau impossible ?

Penser la dimension territoriale du « monde d’après »

De nombreuses transformations de la vie sociale ont été expérimentées au cours de la pandémie. Au premier rang, la transformation territoriale du rapport au travail par le télétravail mais aussi l’évolution de la télémédecine. Cette période a aussi été celle d’une expérience numérique de grande ampleur modifiant les codes sociaux et familiaux, qui a mis à jour des inégalités sociales et des territoires de grande pauvreté numérique.

La transformation territoriale du rapport à l’éthique d’agir pourrait bien être aussi un des enjeux du « monde d’après ». Lorsque cette pandémie est apparue, le monde grondait déjà d’une nécessité de revoir une partie de l’éthique qui fonde l’action à toutes les échelles. L’écoresponsabilité et la soutenabilité étaient brandies face aux modèles de croissance qui n’avaient pas été modifiés depuis l’avènement de l’industrialisation à la fin du XIXe siècle. La relance de l’économie post-Covid sera-t-elle nécessairement une relance verte par la relocalisation et donc la reterritorialisation de la production ? Les enjeux de biodiversité et de lutte contre le dérèglement climatique seront-ils réellement au centre des préoccupations à venir pour tous les territoires ?

Vers une géopolitique territoriale post-Covid ?

Dans la gestion de l’après-Covid, qui seront les principaux acteurs géopolitiques capables de mobiliser des principes territoriaux dans la recherche de solutions ? Il y aura sans doute une Europe d’avant et une Europe d’après la Covid. De même dans les autres régions du monde, le scénario du repli sur les territoires nationaux et locaux, aux dépens des relations internationales et notamment macrorégionales, va-t-il l’emporter ? Enfin, les alliances internationales vont-elles radicalement changer et verra-t-on une forme de reterritorialisation nourrie des enseignements tirées de la pandémie et de la crise sociale, économique et politique que les confinements ont générée ?

Organisation du débat

Au-delà des pistes de réflexions évoquées, l’objectif général des ateliers-débats du CIST sera (i) de réfléchir à l’apport des sciences territoriales pour penser l’événement au-delà des approches disciplinaires ; (ii) conformément à sa mission d’intermédiation entre scientifiques et acteurs, de contribuer aux réponses collectives à la crise.

Trois sessions parallèles seront ainsi proposées durant le colloque du CIST :
– une session sur les facteurs de vulnérabilité territoriale qui ont pu contribuer à amplifier l’impact de la crise ;
– une session sur le rôle du territoire dans la gestion de la crise sanitaire ;
– une session prospective sur la contribution des sciences territoriales à l’élaboration des territoires de l’après-Covid.

Une séance plénière fera la synthèse des apports de ces parallèles et sera l’occasion d’un échange entre tous les participants au colloque et d’une valorisation ultérieure.

Comment y participer ?

Si vous souhaitez contribuer à une session, nous vous demandons de nous faire parvenir par email avant le 15 septembre un résumé de 3 000 à 5000 signes précisant les grandes lignes de votre contribution.
Elle sera examinée par le bureau du CIST et une réponse vous parviendra au plus tard le 30 septembre 2020. Il n’est pas nécessaire d’être membre du CIST pour proposer une intervention.

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