Pédagogies actives / alternatives / critiques : relations et distinctions. Retours réflexifs d’enseignant·es en géographie à l’université

Date 

16 June 2023    
09:00 - 13:00

Site 

campus Condorcet Paris-Aubervilliers
place du front populaire, Aubervilliers, 93300

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Cet atelier-débat se tient sur le campus Condorcet à Aubervilliers, s. 0.033 au rez-de-chaussée du bât. recherche Sud

9h15 – 9h45 : accueil café & douceurs
9h45 – 10h00 : introduction par Annaïg Oiry et Camille Vergnaud
10h00 – 11h30 : présentations des intervenant.es

  • Sophie Blanchard, maîtresse de conférences en géographie, Université Paris-Est Créteil, UFR LLSH, Lab’Urba
  • Amandine Chapuis, maîtresse de conférences en géographie, Université Gustave Eiffel, formatrice à l’INSPE de Créteil, Laboratoire analyse comparée des pouvoirs
  • Camille Guenebeaud, maître de conférences en géographie, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, LADYSS

11h30 – 12h30 : débat

Cet atelier vise à interroger les liens entre pédagogies dites « actives » et visée critique de l’enseignement, en géographie dans le supérieur. Les pédagogies actives sont ici entendues au sens de dispositifs qui se présentent comme une alternative à une démarche transmissive dite traditionnelle, en mettant en activité les étudiant‧es pour qu’ils construisent de façon plus autonome leurs propres savoirs. Le terme de pédagogies « actives » désigne des courants pédagogiques aux histoires et pratiques très variées (Allam & Wagnon, 2018 ; Wagnon & André, 2018) dont les portées politiques peuvent diverger. Par exemple la pédagogie Freinet, structurée au début du XXe siècle, fondée sur l’expression libre et la coopération des enfants, est porteuse d’un idéal d’émancipation de l’individu, des classes populaires et de la société. Plus largement les courants de l’Éducation nouvelle promeuvent des méthodes actives, et se sont constituées en « alternative » au modèle dominant de l’époque. En parallèle de ces courants « historiques » eux-mêmes diversifiés[1], de nouvelles formes éducatives portant une alternative à l’école traditionnelle se développent en France aujourd’hui, par exemple autour des lycées autogérés, de l’instruction en famille ou de l’enseignement privé confessionnel (Allam & Wagnon, 2018). Au sein de cette galaxie de courants se réclamant d’une « alternative », les méthodes dites « actives » ont une place prépondérante, prônant la mise en activité des élèves. Se développant et se diversifiant, ces pédagogies actives sont également réappropriées par des groupes d’acteurs réfléchissant aux questionnements liés à la parentalité, pouvant alors donner lieu à un marché lucratif, ou par le milieu entrepreneurial qui s’est saisi de ces pédagogies dans une visée managériale (De Cock & Pereira, 2018).

Cet atelier-débat part du constat d’un intérêt récent et croissant pour les modes d’apprentissage « actifs » dans les courants alternatifs d’enseignement, mais aussi au sein de l’Éducation nationale et de la formation des enseignants (les maquettes de plusieurs INSPE proposent ainsi des modules de formation sur ce type de pédagogies), et auprès du grand public. Parallèlement à ce renouvellement, on observe également « la mise en œuvre d’une approche néolibérale dans les politiques d’éducation » (Leroy, 2022 : 36) et la réorientation de pédagogies actives vers sur le développement individuel de l’élève ou la gestion de classe plutôt que sur l’émancipation collective (Mas, 2018, in Pereira & De Cock, 2018). Dans ce contexte l’atelier cherche à interroger les tensions contemporaines et les conditions d’adéquation entre ces dispositifs alternatifs et une visée transformative, émancipatoire et critique de l’enseignement.

Ces questions sont travaillées dans le champ académique et les pédagogies actives et/ou alternatives s’affirment comme un objet d’étude dans le champ des SHS, en particulier les sciences de l’éducation (Allam & Wagnon, 2018 ; Connac, 2022). Les pédagogies dites « actives » semblent toutefois être plus appropriées par les cycles d’enseignement du primaire et du secondaire que dans l’enseignement supérieur. En témoigne ainsi l’organisation récente de plusieurs journées d’études sur les pédagogies actives, coopératives ou critiques[2], qui concernent exclusivement les niveaux primaire et secondaire. Pourtant, on note récemment la montée en puissance des réflexions pédagogiques au sein des universités, réflexions notamment prises en charge par des centres d’innovation pédagogiques constitués hors des équipes enseignantes. Le déploiement de ce type de structures dans les institutions et leur adéquation avec les envies et pratiques des équipes enseignantes pose question, par exemple sur la place dédiée à l’enseignement par voie numérique, sur la prise en compte des savoirs et didactiques disciplinaires, sur les structures et les professionnels prenant en charge les formations.

Questionnements

Dans ce contexte, nous souhaitons interroger des formes d’enseignement qui s’appuient sur des pédagogies actives et leur adéquation avec une visée critique[3] :

  • Quels sont les objectifs des pédagogies actives ? Comment construire un équilibre entre l’attention portée à la forme prise par le dispositif pédagogique et l’objectif de contenu de connaissances ?
  • Ce type de pédagogies ne risque-t-il pas de renforcer des inégalités (scolaires, sociales, de genre, de race, de classe) selon leur adéquation à différents publics et territoires ? En effet, il y aurait un risque que seuls les élèves et étudiants maîtrisant les compétences et normes scolaires sachent s’approprier des dispositifs censés pourtant être coopératifs (Connac, 2022).
  • Comment ces pédagogies modifient-elles les postures enseignantes ? Permettent-elles une déconstruction du rapport à l’autorité de l’enseignant‧e et plus largement du rapport hiérarchique aux savoirs ? Dans quelle mesure la participation active des étudiant‧es dans la construction du cours (voire son évaluation) permet-elle leur implication et un rapport plus autonome (ou moins « aliéné ») à l’apprentissage ? Sont-elles forcément nécessaires pour insuffler une perspective critique aux savoirs délivrés aux étudiant‧es ?
  • Enfin, y a-t-il une spécificité disciplinaire des pédagogies actives ? La géographie y trouverait-elle un intérêt spécifique ? On pourra par exemple penser au rôle que pourrait exercer ce type de pédagogies au travers de la sortie de terrain.

Questions aux intervenant‧es

L’atelier propose aux intervenant‧es d’aborder les points suivants, avant un échange avec la salle (« consignes » aux intervenant‧es) :

  • Décrire un dispositif issu des pédagogies actives mis en place auprès d’étudiant‧es : quelles activités ? Quels objectifs ? Quelles fonctions assignées à ce dispositif au sein de la progression plus globale du cours ? Comment définiriez-vous le type de pédagogie mis en œuvre ? Quels retours (ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas) ?
  • Qu’a changé le dispositif dans vos pratiques enseignantes, dans votre posture par rapport aux étudiant‧es ?
  • Quelles sont les sources d’inspiration qui peuvent nous servir à conduire ce type de dispositifs (université populaire et plus largement structures d’éducation populaire, enseignements par temps de grève, méthodes de recherche, syndicats, etc.).

Bibliography

Allam, M.-C., & Wagnon, S., 2018, « La galaxie des pédagogies alternatives, objet d’étude des sciences humaines et sociales », Tréma, n° 50.
Connac S.
, 2022, Apprendre avec les pédagogies coopératives : démarches et outils pour l’école, ESF Sciences humaines.
De Cock L. & Pereira I., 2018, Les pédagogies critiques, Agone, « Contre-feux ».
Leroy G., 2023, Sociologie des pédagogies alternatives, La Découverte.
Wagnon S. & André H., 2018, « Galaxie des pédagogies alternatives en France », Tréma, n° 50.

[1] Liés aux figures pédagogiques de Célestin Freinet, Ovide Decroly, Rudolf Steiner et Maria Montessori, Fernand Oury et d’autres encore.
[2] On peut ici citer certaines journées d’études organisées au sein de l’INSPE de Créteil : « Quelle école pour quelle société ? Rôle et enjeux de l’Éducation nouvelle aujourd’hui » (juin 2021), « Pédagogies de projets, projets pédagogiques et Éducation nouvelle : quels enjeux ? » (juin 2022). On peut également évoquer la biennale de l’Éducation nouvelle en octobre 2022 à Bruxelles.
[3] Nous entendons ici comme « critique » l’idée de déconstruction des inégalités et rapports de domination qui s’exacerbent au sein de la société.

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