1.3. Résumés des communications
Atelier « Interactions entre recherche et demande sociale »
[toggle_box] [toggle_item title= »Définir la demande sociale – F. Lavigne (LGP) »]Quelles sont vos principales expériences de commandes venues d’organismes non scientifiques ?
TSUNARISQUE
(Délégation interministérielle pour l’aide post-tsunami), 2005-2006. Partenariat avec des universités françaises et indonésiennes, le CEA et Planet Risk (ONG)
Programme mêlant activités de recherche, formation et de prévention des risques de tsunamis en Indonésie. Première phase mise en place sur Java quelques mois avant la catastrophe du 26 décembre 2004, puis recentré sur Sumatra.
Contexte
En recherche fondamentale : dynamique et impacts des tsunamis majeurs très mal connus avant 2004.
Sur le plan sociétal, mesures de prévention des risques de tsunami très limitées voire inexistantes dans l’Océan Indien.
Objectifs de la recherche et réalisations
– reconstitution de l’aléa en vue de calibrer les modèles numériques de propagation des tsunamis (CEA)
– analyse des impacts du tsunami sur les sociétés, les bâtiments et l’environnement
– Mise en place et distribution d’outils de sensibilisation des populations (film, posters, plaquettes)
PREPARTOI
(Fondation MAIF), depuis 2009. Même équipe que Tsunarisque (+ UFR de gestion de l’Université Paris 1) et thématiques semblables, mais intervention en amont, avant une catastrophe.
=> projet appliqué à la prévention des risques de tsunami à La Réunion et Mayotte.
Contexte
Mesures de prévention des risques de tsunami en train d’être mises en place dans l’Océan Indien (PPS = Plans de Secours Spécialisés). Mais aucune connaissance locale sur l’occurrence du phénomène, absence de zonage de l’aléa dans les zones littorales submersibles, et pas non plus d’étude des enjeux ni de vulnérabilité.
Objectifs de la recherche et réalisations
– zonage de l’aléa et des enjeux dans les secteurs les plus sensibles
– mise en place de scénarios de catastrophes associant modélisation numérique de l’aléa, étude de fréquentation humaine des espaces menacés (publics et privés) en fonction des heures de la journée, et modélisation des évacuations par système multi-agent
– résultats destinés aux services de Sécurité Civile des deux départements (partenaires)
– outils de sensibilisation des populations envisagés sur fond préfectures (demandeuses).
MIA VITA
volet opérationnel (depuis 2008) – programme européen (7e PCRD). Responsable du WP5 « Vulnérabilité et capacités des populations menacées par les éruptions volcaniques » (Indonésie, Philippines, Cap Vert, Cameroun).
Contexte
Risques volcaniques gérés suivant une logique « Top Down » ne prenant pas en compte la réalité socio-économique et culturelle des populations à risque. Cette approche aboutit à des refus d’évacuation en temps de crise.
Objectifs de la recherche et réalisations
Evaluer et cartographier les facteurs de vulnérabilité des populations menacées ;
Proposer des mesures alternatives avec une logique Bottom-Up pour améliorer la gestion de crise, avec des méthodes et outils de type participatif (Focus Group Discussion, Maquettes participatives 3D, etc.).
Quel bilan en faites-vous (limites et apports) ?
Apports
– Types de programme pluridisciplinaires alliant recherche fondamentale, à la fois sur l’aléa et sur les vulnérabilités, et recherche appliquée, donc potentiellement utile à la société.
– Résultats de recherche utilisés par les opérationnels = grande satisfaction (ex : Mia Vita : cartographie de l’état des routes d’évacuation remises aux autorités avant une éruption).
– Communication entre les mondes scientifique, opérationnel et les populations. Le scientifique peut servir de pont entre les opérationnels et les populations, même si ce n’est pas son rôle premier.
Limites
– Résultats de recherche pas toujours utilisés par les opérationnels (se sentant parfois peu concernés) ;
– Limites des méthodes participatives dans certains contextes sociaux et/ou culturels.
Quelles sont vos principales expériences de commandes venues d’organismes non scientifiques (ministères, entreprises…) et quel bilan en faites-vous sur le plan de la déontologie scientifique ?
Plusieurs commandes me concernant :
– Conseil de l’Europe : rédaction de plusieurs textes législatifs dont la Convention Européenne du Paysage ; participation à de nombreuses action d’expertise
– ministère de l’Écologie : 1) mise en œuvre du système d’information sur la nature et les paysages (partie paysage), 2) présidence de trois comités scientifiques d’appels à propositions de recherche : « Politiques publiques et paysage », « Paysage et développement durable », « Infrastructures de transport terrestre, écosystèmes et paysages », 3) membre du comité scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité
– ministère de l’Écologie et ministère de la Culture : membre du comité national des biens français inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO
Je sais que de nombreux chercheurs n’acceptent pas de contribuer à ce type d’expériences, prétextant un risque de perte de liberté d’expression et d’instrumentalisation. Ma participation à ces expériences n’a pas vraiment souffert de ce risque. Il existe évidemment, mais il est minimisé si l’on a une attitude rigoureuse et si l’on affirme d’emblée son identité de chercheur. Et je pense que ces institutions n’attendent finalement que cela. Le risque d’instrumentalisation est le plus grand dans les expériences sont plus directement liées à la mise en œuvre d’action qui servent des objectifs opérationnels de l’institution concernée. Il faut alors être vigilant et réaffirmer les objectifs de la recherche tout en négociant avec les correspondants de l’administration concernée. Les relations avec les institutions dépendent aussi beaucoup des personnes que l’on a en face de soi et qui ont des positions diverses à l’égard de la recherche. C’est là l’une des marges de manœuvre les plus manifestes.
Ces expériences constituent des observatoires idéals des processus d’évolution des rapports sociaux aux questions d’environnement, de paysage ou de patrimoine. Autant à l’échelle internationale qu’à l’échelle nationale. Et l’observation que l’on peut faire permet également de se positionner par rapport aux institutions avec lesquelles on est en « commande ». Ces observations constituent une véritable chance à saisir et j’ai toujours été convaincu que ma progression dans mon domaine de recherche lui devait de nombreuses innovations et résultats. Cette position n’empêche nullement de conserver son autonomie et de poursuivre ses propres recherches en toute indépendance.
Je suis persuadé par ailleurs que la relation avec l’action politique est productrice de connaissances que l’on ne pourrait pas obtenir sans ce type d’expérience ; le fossé qui existe en France en particulier entre recherche et action n’est pas propice ni à la transdisciplinarité ni à ce supplément de connaissances.
Quelles suggestions feriez-vous au GIS dans ce domaine ?
Je pense que le CIST est vraiment la structure qui convient à des relations entre recherche et action. A condition de bien savoir ce qui possible de faire et de ne pas faire, de bien affirmer le statut scientifique. Il ne s’agit pas de répondre à la commande comme dans le commerce, mais de fournir des réponses qui ouvrent de nouvelles pistes, mettent en garde les acteurs institutionnels des écueils et risques qu’ils encourent.[/toggle_item] [toggle_item title= »Questions déontologiques – H. Le Bras (INED) »]
« Demande sociale » est un terme un peu fort et un peu misleading à la manière de « plan social ». Il me semble qu’il faut distinguer entre demande des associations humanitaires, demandes du privé commercial, demande des partis politiques au pouvoir et demande de l’administration.
Prenons les une à une.
– associations humanitaires (MRAP, LDH, RESF, Cimade, etc) : presque toujours utile et instructif sur la situation sociale. Du point de vue de la recherche, cela oblige à utiliser un langage simple et à forger des formules.
– privé (assurances, banques, grandes surfaces, chambres de commerce, etc) : aussi utile pour d’autres raisons : financières, rapidité de réaction, clarté des contrats.
– partis politiques : 1) au pouvoir : très négatif et frustrant. Le pouvoir a déjà la réponse et veut seulement qu’on la confirme, sinon, la recherche va au placard, 2) dans l’opposition : un peu mieux (Terranova, experts PS 1986) mais demande d’expertise exagérée comme si le scientifique devenait le politique.
– administration (DATAR, ANR, CNAF, La Poste, DARES, etc.) : très varié mais souvent horriblement bureaucratique (ANR, Bruxelles) et presque toujours sans retour comme si le rapport de recherche était tombé dans les sables mouvants.
Au total : malgré ces observations, presque toujours utile car suggérant de nouvelles recherches et approfondissements que le statut public de chercheur rend possible. Ce dernier point serait à encourager plutôt que la course aux contrats, autrement dit alterner contrats et recherches indépendantes ou si l’on préfère libre.[/toggle_item] [toggle_item title= »La demande institutionnelle – A. Morcheoine (ADEME) »]
Les contacts avec les chercheurs
Le soutien à la recherche fait partie des modes d’actions de l’ADEME. Elle y consacrait environ 40M€/an sur l’ex BCRD et à peu près autant sur d’autres moyens budgétaires.
Il existe deux types d’actions principaux : le cofinancement de thèses et la subvention de projets.
Thèses
Flux de l’ordre de 60 à 80 thèses/an, depuis les années 80 ; 200 vivantes actuellement.
Thématiques techniques dans le cadre des missions de l’agence (efficacité énergétique, énergie renouvelables, qualité de l’air, déchets, bruit) dans les secteurs du bâtiment, des transports et de la mobilité, des process industriels y compris recyclage.
Environ 10% portent sur des sujets socio et éco (acceptabilité, gouvernance, jeux d’acteurs, modélisation macro-économique, technico-économiques…). Ce type de champs est en croissance.
Les ingénieurs ADEME suivent les thésards, font généralement partie du jury de thèse et sont donc en contact suivi avec les labos. Ils peuvent être amenés à suggérer des sujets.
Subventions de projets
Thématiques techniques dans les secteurs du bâtiment, des transports et de la mobilité, des process industriels y compris recyclage, de la qualité de l’air.
La sélection des projets se fait soit par appel à projets lancés directement par l’ADEME soit dans le cadre de programmes concertés (PREBAT pour le bâtiment, PREDIT pour les transports, PRIMEQUAL pour l’air ambiant, OQAI pour l’air intérieur). Types de projets aidés : objets technologiques, modélisation, évaluation des performances.
Accompagnement de l’innovation sur les aspects socio/économique et prospectif (mobilité et prospective dans le PREDIT, comportement dans le PREBAT, perception de la pollution dans PRIMEQUAL, AMI innovation et facteur 4, déchets et territoire (impact de la concertation…).
Participation aux pilotages de programmes de recherche
Comités de pilotages de programmes divers de l’ANR (véhicules, bâtiments, ville durable,….).
Comité de pilotage du PIRVE/CNRS.
Programme MEEDDM ADEME Ville post carbone.
Soutien et pilotage de GIS (CIST, Modélisation Urbaine, Climat, GICC réseau européen Climate Strategy.
Les ingénieurs de l’ADEME (sociologues et économistes) sont en contact continu avec les labos de recherche et sont reconnus pour leur expertise technique, leurs suggestions en terme d’orientation et de thématiques de recherche sont souvent écoutées.
Attentes du GIS CIST
Notre principal mode d’action sur le terrain est d’éclairer les choix des acteurs et si possible de les faire adhérer à des changements qui s’avéreront nécessaire de paradigmes comportementaux.
Les nouvelles missions de l’ADEME, notamment la lutte contre l’effet de serre et l’adaptation au changement climatique nécessitent de renforcer encore les thématiques socio-éco, notre éclairage en termes de comportement et jeu des acteurs, de gouvernance des projets par les décideurs, d’identification des verrous juridiques et culturels, d’impact économique des changements…
D’autres disciplines, comme la géographie et la science des territoires peuvent nous apporter des éclairages importants sur les questions que nous avons à traiter, y compris par exemple en termes d’aide à la visualisation des décisions et des projets.
Ce qui guidera notre action en termes d’orientation de la recherche c’est l’applicabilité des résultats soit en termes d’acceptabilité des techniques, soit en termes de connaissance des synergies et antagonismes auxquels nous auront à faire face sur la modification des comportements. Les méthodes d’évaluation des jeux d’acteurs constituent dans ce cadre une thématique importante pour nous.[/toggle_item]
[toggle_item title= »La demande institutionnelle – O. Bovar (DATAR) »]
Les questions de recherche sur les territoires qui intéressent la DATAR
La DATAR a une véritable demande d’apport de la recherche pour l’éclairer ses missions de définition et d’évaluation des politiques publiques pour l’aménagement du territoire : il ne s’agit surtout pas de séparer la recherche d’un côté et la « demande sociale ou institutionnelle » de l’autre, elles doivent avoir une interaction profonde, notamment que les questions suivantes :
Économie et territoires
Dans le contexte de la réduction des dépenses budgétaires, la Datar a besoin d’établir des priorités d’actions. Il faut penser le développement économique des territoires en tenant compte à la fois des entreprises, de l’innovation, du transport, de la formation etc. Par exemple, pour faire la part entre les options centrées sur le tout sur les pôles de croissance (grands clusters, grande infrastructure, croissance) et un autre paradigme porté par la mise en valeur des atouts et l’accroissement du potentiel de développement plus répartis sur le territoire national, vision plus systémique faisant intervenir davantage d’acteurs de plus petite taille. Au sein de ce thème, identifier les nouveaux territoires de pauvreté émergents et en saisir les mécanismes seraient utile.
Les métropoles moderne : aire d’influence, connexion et réseaux
Notamment, la région parisienne doit se penser au moins à l’échelle du Bassin parisien et même au-delà (mobilité des parisiens, dépenses sur des lieux de villégiatures très éloignés, complémentarité entre territoires productifs et territoires résidentiels à une échelle large). La question des effets d’entrainement, de rayonnement des espaces métropolitains, la compréhension de leur contribution au développement économique national et leur articulation avec les autres types d’espace constituent autant de sujets qui méritent des investigations solides.
Territoire européen
La demande de recherche porte aussi sur le territoire européen, dont la Datar est l’intermédiaire institutionnel de référence au niveau français. On peut s’appuyer sur les prochains appels à projets du programme ESPON pour identifier les thèmes sur lesquels portera ce besoin de connaissances : les villes (agglomérations, espace urbain, place des villes petites et moyennes…), la gouvernance territoriale, les régions transfrontalières avec pays tiers (voisinage), la dimension territoriale de la « Stratégie 2020 » (stratégie de Lisbonne après crise), la place de l’Europe dans le monde, les Gateway regions, l’intégration des objectifs d’innovation, de croissance verte et de cohésion sociale (souci de mettre en œuvre des stratégies politiques intégrées, que l’on retrouve aussi à l’OCDE), l’impact de la crise sur les territoires.
Territoire et société
Les individus sont présents quasi simultanément dans plusieurs type d’espace espaces, au gré de leur activité professionnelle et de loisirs. Leur présence a des conséquences sur les dynamiques de développement de territoires sans pour autant que l’organisation sociale et citoyenne tiennent compte de ces situations. Sur un autre plan, le citoyen s’organise dans des réseaux qui s’affranchissent des organisations administratives et politiques classiques. Comment appréhender ces demandes sociales ?
Les liens avec le CIST
Ils peuvent être très divers : des consortiums d’équipes, des chaires universitaires, des commandes ponctuelles. Une bonne façon de procéder pour le CIST serait de regarder le programme d’études de la DATAR, les axes de travail de l’Observatoire des territoires, le programme de prospective « 2040 » de la DATAR – auquel participent déjà certains chercheurs du CIST.
En prenant régulièrement connaissance des interrogations portées par la DATAR, le CIST peut apporter sur la durée de la connaissance permettant d’apporter de l’objectivité, de la robustesse, de « l’évidence » pour étayer la décision publique.[/toggle_item]
[/toggle_box]
Atelier « Axes et thèmes du GIS CIST »
[toggle_box] [toggle_item title= »Biens communs et gouvernance – J.-Y. Moisseron (Développement et sociétés) et H. Brédif (LADYSS) »]Alors que la part de ce qui échappe aux échanges marchands paraît se réduire, il est significatif que pour de nombreux auteurs, la liste des biens communs, au moins en théorie, ne cesse de s’allonger. Après la haute mer ou le spectre des fréquences électromagnétiques, beaucoup réclament le statut de bien commun pour l’eau, l’air, l’espace, le génome humain, le patrimoine génétique des plantes et des animaux, les semences agricoles, la place disponible pour de nouveaux satellites en orbite géostationnaire…Outre ces entités matérielles et tangibles, d’aucuns proposent d’ajouter à la liste des biens communs les logiciels, les médicaments, l’éducation ou la culture, Internet, voir même des catégories plus difficiles encore à cerner, dès lors que ces différents domaines ou aspects relèvent très étroitement de la « chose publique ».
Outre la délimitation du champ des « biens communs », dont on voit qu’ils concernent potentiellement des compartiments considérables de la vie en société, le débat porte sur les conditions de la bonne gestion de ceux-ci. Une lecture trop rapide d’un article du biologiste Garret Hardin, intitulé « la Tragédie des Communaux » (1968) a longtemps laissé entendre que le seul moyen d’éviter la dégradation d’un bien commun consistait à le privatiser. Aujourd’hui, la problématique du réchauffement climatique impose une autre approche. En effet, le climat est généralement considéré comme l’essence même d’un bien commun, encore appelé par d’autres bien public mondial, dont la gestion avisée suppose une nouvelle gouvernance mondiale. Or, pour de nombreux auteurs et observateurs, l’incapacité des États réunis en décembre dernier à Copenhague de s’accorder sur un texte juridiquement contraignant est interprétée comme la nécessité d’en passer par une nouvelle forme de gouvernance. Une gouvernance non plus réduite à des États souverains, mais faisant appel à de nouvelles instances et de nouveaux représentants des humains et des enjeux écologiques ; une nouvelle forme de gouvernance mieux à même surtout de traiter le problème à sa bonne dimension, à savoir la Terre dans son ensemble (voir Serres, Rosanvallon, Bourg, pour quelques auteurs français sur le sujet).
Trois raisons au moins plaident pour qu’un axe du CIST explore le thème « gouvernance et biens communs ».
Premièrement, la question des biens communs, on l’a dit, connaît une actualité brûlante et s’étend à des aspects et des objets toujours plus nombreux et importants.
En second lieu, la réflexion autour de la relation bien commun-gouvernance ouvre sur un chantier considérable de recherche scientifique pluridisciplinaire, en comparaison duquel la lecture simpliste actuellement opérée sous l’effet de la pression du changement climatique fait pale figure.
Les questions de gouvernance s’avèrent en effet nettement plus complexes qu’il n’y paraît de prime abord. Le terme désigne et résume à lui seul les mutations d’un monde marqué par le décentrement de l’État, la globalisation, la régionalisation, la décentralisation, l’émergence de nouvelles technologies et de nouveaux acteurs. Ces transformations, dont on mesure mal encore les conséquences, impactent toutes les disciplines scientifiques en sciences sociales depuis plus de 30 ans. Le décentrement de l’État pose des questions redoutables à la science politique qui doit reconsidérer l’ensemble de ses présupposés fondamentaux et notamment le triptyque (État, Nation, Démocratie). L’émergence d’organismes internationaux, d’ONG transnationales, des régions et des municipalités remet en cause l’analyse traditionnelle des relations internationales. L’entrée dans un monde post-fordiste et fortement tertiarisé a très largement affecté les sciences de gestion et l’économie politique. Tandis que les premières ont étudié très largement la « révolution managériale » post-fordiste, la seconde redécouvre le rôle central des institutions après avoir réintroduit les notions de conventions et de rationalité limitée. Le droit, de son côté doit reconsidérer l’ordre pyramidal de légitimation des normes juridiques et s’interroger sur la scission fondatrice entre le droit privé et le droit public.
Ces transformations qui accompagnent la globalisation redéfinissent un nouvel ordre où l’état apparaît non plus comme le régulateur dominant d’ensembles territoriaux relativement bien définis mais soit comme un obstacle à la globalisation (notamment par les droits sociaux qu’il préserve), soit comme le sauveur d’un système qui l’englobe et le dépasse.
Il est connu que d’autres acteurs et notamment les multinationales jouent un rôle aussi important que les États. Ce qui est nouveau, c’est que la multiplicité des acteurs conduit à libérer des espaces qui étaient jusqu’à une époque récente contenus par la puissance de l’État. La question de la coordination multi niveaux devient ainsi une préoccupation centrale, d’où l’importance croissante des thématiques relatives à la participation et à la contractualisation. La coordination a une dimension horizontale qui complète ou contredit les relations verticales de l’autorité, d’où les réflexions sur les réseaux.
La multiplicité des acteurs pose la question du pouvoir entre ces nouveaux acteurs et donc de leur légitimité. Celle-ci entre en compétition avec la forme démocratique qui fondait la violence légitime de l’État. D’où l’émergence des thématiques comme la participation versus la représentation. Si une multitude d’acteurs entrent en jeu, qu’en est-il de leur responsabilité ? Cette question redessine la notion centrale de citoyenneté parfois dans le cadre d’idéologies moralisatrices et explique l’émergence de thématiques comme celles de la responsabilité sociale des entreprises. Une question de fond se pose : si l’État n’est plus responsable, qui l’est ? Qui assume les risques et les échecs des politiques publiques ?
Par ailleurs, si l’État n’est plus l’inspirateur central des normes et des règles à partir d’une définition construite de l’intérêt général, les acteurs voient s’ouvrir un champ pour tenter d’imposer leurs propres règles et leurs propres normes. D’où l’importance de la professionnalisation des ONG et du rôle croissant des experts dans l’action publique. Ces normes qui émanaient d’un droit public transcendant tirent à présent leurs origines de sources très diverses qui vont des intérêts économiques de certains secteurs aux représentations culturelles ou religieuses. D’où l’importance nouvelle du plaidoyer, de l’advocacy mais aussi de la prise en compte de droits allogènes, de pratiques traditionnelles (notamment en matière de justice), et la ré-émergence des religions dans les arènes de l’action publique globalisée. Le libre jeu des acteurs remet en cause la fiction construite par le haut de l’intérêt général, médiatisé par l’état et lui substitue un intérêt plus ou moins commun construit par le bas dans la confrontation des acteurs. Cependant tous les acteurs ne sont pas égaux dans ce jeu. En effet, la norme managériale, le modèle du marché et les contraintes de l’efficience économique, posées par des acteurs puissants, surplombent les modalités de l’action publique.
On le voit, à condition de ne plus prendre la gouvernance comme un marqueur des différences entre le monde des opérateurs et celui des chercheurs, à condition surtout de vouloir donner à cette notion un contenu conceptuel critique et pluridisciplinaire, elle peut devenir un paradigme structurant dans l’analyse de l’action publique et plus généralement dans la compréhension du monde globalisé du 21e siècle.
Reste à savoir en quoi tout ceci peut être stimulant pour la géographie comme discipline scientifique et donner sens à une réflexion pluridisciplinaire dans le cadre du CIST. Voici notre hypothèse de base : le décentrement de l’État s’accompagne nécessairement de nouveaux questionnements sur ses frontières et plus généralement sur l’espace qu’il définit. Si dans les faits (par exemple, la construction européenne) les frontières deviennent poreuses ; dans les conceptions théoriques, la notion de pays laissent place à celle de territoire. La libération du jeu des acteurs de l’action publique tend à redéfinir des espaces de structuration qui peuvent ou non devenir des « territoires ». La territorialisation dont un exemple peut être trouvé dans la fabrication des clusters industriels devient donc un phénomène important. Les règles devenant mondiales, une région, une municipalité, doivent davantage compter sur leur capacité à construire un territoire attractif que sur la redistribution de fonds de l’état central pour se développer. D’où le renouvellement de disciplines relatives aux sciences du territoire, au développement territorial qui posent d’emblée la question de la gouvernance. Les territoires se construisent car ils sont aussi en compétition avec d’autres territoires, ce qui implique une redéfinition des frontières.
Le décentrement de l’État explique le renouveau de l’importance de la géographie dans les sciences sociales. Le droit, la sociologie, la science politique, l’histoire mais aussi l’économie redécouvrent l’espace. L’économie géographique a reçu sa consécration par le prix Nobel 2008. Cette réintroduction de l’espace dans la réflexion tient au fait que le bien commun relevant d’une redéfinition de la « chose publique » n’est pas réductible à l’intérêt général relevant du territoire de l’État-Nation. Le bien commun ou plutôt les biens communs doivent retrouver un territoire. D’où la pertinence du croisement que nous proposons.
Deux idées majeures peuvent aider à structurer la réflexion sur le sujet : 1. le nom même laisse entendre que les biens communs ont une existence propre, qu’une chose, un objet ou une entité constituent « en soi » des biens communs ; à l’opposé, différents travaux montrent qu’un « bien commun » ne tire son existence que de l’organisation d’une communauté de prise en charge : le bien commun serait donc une illusion tant que des acteurs ne seraient pas organisés et coordonnés pour le construire comme objet et surtout pour le gérer effectivement. 2. La notion de bien place aussitôt dans un rapport exclusif : soit « bien privé », soit « bien commun ou public ». Or, différents exemples montrent qu’un bien privé peut contribuer à des qualités ou services publiques, et réciproquement ; dès lors, cela ouvre de nouveaux horizons, puisqu’un objet, une entité ou une chose peuvent donner lieu à différentes formes d’appropriation, l’important étant que certains aspects ou qualités liées à cette chose puissent faire l’objet d’une approche en commun, d’un « agir ensemble », et non seulement d’un « décider ensemble ».
En somme, en croisant la problématique de la gouvernance et celle des biens communs, découle une très grande richesse de questionnements. Surtout, la perspective qui en résulte renouvelle l’opposition classique entre intérêt individuel ou privé et intérêt général ou collectif ; une troisième figure, moins exclusive que complémentaire des deux précédentes se fait jour, celle de l’intérêt commun et des conditions nécessaires à son expression et à sa réalisation.
Ainsi repensée, la problématique « gouvernance et biens communs » pose des questions majeures à celles et ceux qui s’intéressent aux territoires. Par exemple : quels sont les territoires où se déterminent la qualité des « biens communs » ? Quels sont les territoires pertinents – en termes géographiques, économiques, institutionnels et politiques – d’une gouvernance des biens communs ? Quelles institutions et quels acteurs doivent prendre part à cette gouvernance ? Y compris pour des préoccupations globales comme le climat, l’enjeu se limite-t-il comme on l’entend trop souvent à la mise en place d’une nouvelle gouvernance mondiale ou ne s’agit-il pas aussi de favoriser une prise en charge territorialisée de ces enjeux globaux ? La modernité et la fécondité de ces questions ne font pas de doute et constituent une véritable aubaine pour les sciences du territoire.
[/toggle_item] [toggle_item title= »Histoire et territoire – De nouvelles perspectives dans la manière d’aborder l’histoire des territoires – M.-L. Pelus Kaplan (ICT) »]Depuis quelques années, l’histoire des territoires revient en force dans la recherche historique française. Les historiens ne l’abordent plus guère de la manière classique, par la chronologie, l’histoire militaire, diplomatique ou institutionnelle, mais par le biais des échelles de domination, des représentations/perceptions, des identités…
Nous noterons
– l’apparition de programmes de recherches centrés sur les questions du territoire et des mobilités
une attention nouvelle apportée aux échelles et aux techniques de la domination territoriale
– l’intérêt pour la notion de frontière, revisitée totalement
– l’attention portée aux marges, aux périphéries, aux zones de contacts entre les territoires…
Territoire identitaire, identité du territoire, identités et territoires, autant d’expressions qui relient les notions d’identité et celles de territoire.
Lorsque les géographes parlent du lien entre identité et territoire, c’est presque exclusivement à l’échelle des territoires et très rarement à celle des individus. De ce fait, il existe une relation presque implicite qui fait de l’identité propre à un territoire celle de ses individus. Cette approche comporte le risque d’assigner l’identité désignée des territoires aux individus qui composent ce territoire comme s’ils constituaient une communauté et donc de faire l’hypothèse qu’il existe une conscience collective d’un territoire ou un sentiment de partager ce territoire avec d’autres individus et d’appartenir à une communauté territoriale. Par ailleurs, pourquoi les identités collectives ou sociales coïncideraient-elles nécessairement avec des entités géographiques ? Les découpages de l’espace peuvent n’avoir aucune signification identitaire si ce n’est celle d’une identité construite, parfois instrumentalisation politique. Le politique cherchant alors à créer des identités en instrumentalisant l’espace (découpages électoraux, limites administratives…) support d’exercice du pouvoir pouvant parfois conduire à des dérives.
Il faut donc distinguer l’identité d’une entité géographique et la conscience identitaire que les individus ont de cette entité. Il serait aussi erroné de vouloir associer systématiquement identité et territoire. La dimension spatiale n’est pas forcément constitutive de l’identité individuelle. Le sentiment d’appartenance à un territoire figure parmi les multitudes de référents identitaires potentiels que sont l’appartenance sociale, religieuse, familiale, professionnelle, etc. Cette composante n’est pas nécessairement présente dans le registre identitaire de chacun et si c’est le cas elle n’est pas forcément mobilisée par les individus pour dire qui ils sont. L’ensemble des lieux, passés et présents, pratiqués ou non, imaginés ou rêvés, mais aussi envisagés, projetés, forment le patrimoine identitaire de chacun qui se renouvelle et s’enrichit constamment, et qui selon les individus et les moments de la vie sera en partie ou non mobilisé, parfois même occulté.
La prise en compte des trajectoires individuelles est un élément très important dans la compréhension de la formation d’un sentiment d’appartenance. C’est aussi un préalable nécessaire à la compréhension de la formation des identités collectives à partir des identités individuelles. C’est davantage dans le domaine de la démographie (ou de l’anthropologie ?) que cette question est posée du point de vue des individus. Dans un contexte de mondialisation où l’individu se définit par des appartenances multiples et s’affranchit progressivement des contraintes de l’« espace-temps », le territoire demeure une affiliation et une modalité d’identification qui fait sens dans la définition de soi. On s’interroge alors sur ce qui fonde le sentiment d’appartenance d’un individu à un territoire. Qu’est ce qui fait que l’on se sent plus d’ici que d’ailleurs ? Comment et pourquoi les individus investissent davantage certains lieux de leur parcours au détriment d’autres ? Quels sont les mécanismes de l’appropriation spatiale ? S’accompagne-t-il nécessairement du sentiment de partager ce territoire avec d’autres individus et d’appartenir à une communauté territoriale ?
Le sentiment d’appartenance à un territoire se construit aussi sur une expérience et des représentations partagées, une histoire et une mémoire collectives même si chacun aménage à sa façon cet héritage : les représentations collectives sont ainsi « triées », certaines sont valorisées, d’autres négligées, voire reniées. Il s’agit parfois de découpages anciens (royaumes, provinces, comtés…) dont la réalité historique s’efface parfois au profit de mythes ? L’identité territoriale peut être mise à l’épreuve par les évolutions géopolitiques et s’accompagner d’un éclatement territorial ou de la perte d’un territoire d’origine. La reconstruction identitaire passe alors par la mise en place sur le territoire d’accueil de marqueurs symboles d’une histoire collective passée commune.
Comme l’évoque P. Gervais Lambony « Il est utile de réfléchir à la manière dont les identités individuelles et collectives qui se rencontrent sur un même espace fusionnent avec celui-ci pour donner naissance à ce que l’on pourra appeler un territoire, territoire à chaque instant renouvelé et modifié, car fruit de l’interaction entre les hommes et le lieu où ils vivent tout en le fabriquant ».
En anthropologie et en sociologie des migrations, la notion de territoire a été au cœur d’un courant théorique qui s’est développé en France dans la fin des années 1970, l’anthropologie urbaine, s’inspirant des travaux de l’École de Chicago et des analyses sur les digressions de l’Étranger mais qui a développé une perspective propre. L’anthropologie urbaine utilisait la métaphore de la ville comme scène de la vie quotidienne. Les études portaient sur des univers sociaux et leurs relations avec les structures de pouvoir : la pauvreté, les études sur la bourgeoisie, les crimes, la déviance, les institutions sociales, les pratiques professionnelles, les nouveaux rituels, les ajustements culturels et sociaux des migrants, les entreprises, les communautés dites « ethniques ».
Isaac Joseph parlait alors « d’éclatement des territoires ethniques », de dissolution des « ghettos » pour y privilégier les réseaux de relations sociales. Puis dans ce courant d’une nouvelle fluidité des rapports sociaux étant entendu que les allégeances des groupes étaient devenues multiples, les approches se sont déplacées. Le thème de la mémoire, exploré à partir d’études qualitatives, de récits de vie de personnes issues de l’immigration a permis l’analyse de modes de vie, l’articulation de pratiques sociales et de représentations enfouies. Les études sur les mémoires du déplacement restituaient des frontières d’un dedans et d’un dehors, d’un ici et d’un ailleurs, des frontières symboliques entre « eux » et « nous », des réappropriations territoriales dans l’espace urbain.
Ce retournement du regard scientifique des années 1980, avait quelque peu élargi ce regard sur la « différence » en proposant de nouvelles figures de l’étranger à travers le retour de « l’immigré acteur ». L’idée d’un immigré acteur restituait des processus d’identification et de différenciation à la société française et dans ce registre, le marquage territorial occupait une place importante.
Les relations « urbanité et ethnicité » se prolongeaient par des réflexions sur la notion de territoire dans de multiples configurations de sens se prolongeant par des interrogations sur la construction de figures de l’altérité, d’entités collectives (la notion de communauté par exemple). Ces approches abordèrent la question de l’hospitalité, l’appropriation territoriale des « communautés » par la dimension religieuse., principe organisateur et de verticalité, autorité symbolique du religieux permettant de « penser le territoire », marqueurs ethniques, rituels commémoratifs dans la ville articulant des temporalités du passé et du présent, capacité territorialisante de certains groupes venant raviver le souvenir d’une rupture, des singularités du village natal, d’un mythe du retour, des identités d’exil permettant de glisser vers la problématique « territoire et appartenance ». Dans ce registre d’un imaginaire de la continuité, le micro-territoire incarnait un espace institué, un nouveau contrôle social un sens de l’hospitalité collective liée à l’existence de la demeure et qui a fait converger de la territorialité et de la parenté.
L’espace fictif du micro-territoire inventé était en même temps porteur de capacités organisationnelles et de lien social croisant nous l’avons dit, une verticalité avec des mobilités horizontales autour de centralités reconquises modifiant la perception des « communautés d’espace » dans la seule dimension d’une proximité des familles.
Enfin, les phénomènes de déterritorialisation et de reterritorialisation de populations issues de l’immigration a déterminé notre intérêt pour l’étude des diasporas. Le signifiant « territoire » engage toute une sociologie de l’imaginaire qui réinterprète les frontières d’appartenance selon plusieurs niveaux (limites politiques, séparations culturelles, linguistiques et religieuses, « terres » généalogiques) en réintroduisant le paradigme de l’identité et de l’altérité dans une échelle transnationale.
Le concept de diaspora ne se limite pas à une morphologie spatiale entre la multipolarité de la migration et l’interpolarité des relations. Il suppose la formulation d’un projet identitaire dans la dispersion, un imaginaire collectif constamment remodelé par des migrations incessantes d’un pôle à l’autre et des déterritorialisations successives et qui offre des rudiments d’une culture mémorielle du partage, une redistribution des reliques d’un corps social perdu. Enfin, il s’appuie sur des reformulations d’une question nationale restée en suspens, des relations entre un centre et une périphérie, des déplacements géographiques et symboliques des centralités qui contournent les territoires politiques des États.
On retrouve dans plusieurs cas, un imaginaire national transmis qui se ressource aux épisodes marquants de la « sortie du territoire » et d’une condition historique qui renvoie à un mode d’existence transnational générant des mythes : mythe du retour, mythe de l’éternel apatride, mythe des circulations voyageuses et migratoires, territorialités reconquises dans la violence de l’expulsion du territoire de l’« origine ».
Nous concevons le concept de diaspora comme une nouvelle catégorie de l’altérité, nécessitant de mettre en évidence les enjeux de l’auto-désignation (Hovanessian, 1998). Pourquoi certains groupes revendiquent-ils un statut d’existence en diaspora à tel moment de leur histoire nous conduisant à distinguer plusieurs temporalités dans l’élaboration d’une pensée de la diaspora et de sa reconnaissance. De l’analyse des modes de structuration du champ communautaire à l’évocation d’un principe de refondation d’un soi collectif, nous en sommes venus à évoquer l’évolution « d’une conscience de la dispersion » (Hovanessian, 2001) à travers des assises et des foyers du regroupement territorialisés.
En anthropologie et en sociologie des migrations, la notion de territoire a été au cœur d’un courant théorique qui s’est développé en France dans la fin des années 1970, l’anthropologie urbaine, s’inspirant des travaux de l’École de Chicago et des analyses sur les digressions de l’Étranger mais qui a développé une perspective propre. L’anthropologie urbaine utilisait la métaphore de la ville comme scène de la vie quotidienne. Les études portaient sur des univers sociaux et leurs relations avec les structures de pouvoir : la pauvreté, les études sur la bourgeoisie, les crimes, la déviance, les institutions sociales, les pratiques professionnelles, les nouveaux rituels, les ajustements culturels et sociaux des migrants, les entreprises, les communautés dites « ethniques ».
[/toggle_item]
[/toggle_box]
Atelier « Information territoriale : données, outils, méthodes »
[toggle_box] [toggle_item title= »Mapping Controversies – T. Venturini (médialab) »]La cartographie des controverses est un exercice didactique introduit par Bruno Latour à l’École des Mines et développé ensuite à Sciences Po et dans plusieurs autres universités européennes (Oxford, Manchester, Lausanne) et américaines (MIT, Portland University).
Le but de la cartographie des controverses est d’entraîner les étudiants et les futurs citoyens à la navigation dans l’univers incertain des controverses. Ce but est poursuivi par l’utilisation créative des ressources du web dans la construction d’outils d’observation et description sociale.
L’ambition d’une telle méthode est de prendre en compte à la fois
– le caractère discutable et discuté de la plupart des choix politiques ou d’entreprise,
– le caractère à la fois scientifique et politique complexe de ces questions
– leur médiatisation rapide et sous des formes très diverses
– l’intervention de collectifs très hétérogènes prenant appui sur des arguments très divers.
Dès lors qu’on ne veut pas réduire a priori ces complexités et hétérogénéités, il est nécessaire de se doter d’outils qui permettent d’arpenter ces questions, ces issues à toutes les échelles, les plus agrégées comme les plus locales pour bien comprendre la dynamique de la controverse. Les traces laissées par les acteurs sur le Web permettent de reconstituer toutes ces positions, leurs interdépendances et leurs évolutions.[/toggle_item] [toggle_item title= »Une base de données spatio-temporelle et multi-thématique : R. Ysebaert (RIATE) »]
Collecter, stocker et partager l’information territoriale dans toute sa diversité constitue un domaine d’étude qui mobilise équipes de recherche appliquée, organisations statistiques et sphère politique.
Au niveau européen ou mondial, de nombreuses bases de données ont vocation à intégrer et partager de l’information territoriale (Eurostat, Agence européenne de l’environnement, Nations Unies…). Le contenu de ces bases de données peut se résumer à un cube d’information faisant intervenir plusieurs dimensions : l’espace (du local au mondial), le temps (données rétrospectives, actuelles et prospectives), la thématique (démographie, socio-économique, environnement) et l’objet géographique de référence (territoires, grilles, villes, réseaux).
Considérer l’ensemble de ces dimensions dans une même base de données reste une finalité complexe. Ainsi, si à l’échelle de l’État il est possible de disposer d’une quantité importante d’information sur une couverture temporelle longue, c’est beaucoup moins le cas dès lors que l’on affine l’échelle d’analyse. L’espace européen est à ce titre un cas d’école pour aborder ce genre de problématique puisqu’il est extrêmement difficile de disposer de séries temporelles longues ou de thématiques d’analyse variées à une échelle infranationale. On comprendra donc que le développement de méthodes innovantes pour dépasser ces limites revêt une importance majeure pour l’ensemble des organisations produisant et fournissant de la donnée en Europe.
Le projet ESPON Database, dont l’UMS RIATE a assuré la coordination, a fait collaborer des spécialistes européens issus de différents champs disciplinaires (informatique, SIG, géographie) dans le domaine de l’information géographique. Au regard de ce contexte général, la présentation s’attachera à présenter les principaux objectifs et avancées du projet, suivant deux parties :
Données et métadonnées : une base de données de qualité
La plateforme technique que constitue la base de données ESPON a pour vocation à intégrer des données de nature hétérogène issues de différents projets de recherche appliqués à l’aménagement du territoire européen. Cette base de données soit également respecter les standards européens (défini par la norme INSPIRE). Afin de répondre à ces nécessités, le projet a développé un modèle innovant de données et de métadonnées reposant sur trois niveaux de description : le jeu de données, l’indicateur et la valeur. Le projet a également contribué à développer une méthodologie systématique de contrôle des données afin de détecter les valeurs exceptionnelles.
Méthodes : une base de données innovante et évolutive
Afin de rendre possible la création d’une base de données multi-dimensionnelle et multi-temporelle plusieurs challenges ont été identifiés. Des avancées substantielles ont ainsi été réalisées en ce qui concerne l’interopérabilité entre objets géographiques de différente nature (grilles et unités territoriales, collecte de données urbaines) ; l’harmonisation de séries temporelles ou l’intégration d’objets géographiques de différente échelle.[/toggle_item] [/toggle_box]