Frontières et migrations dans la presse internationale

Date 

11 décembre 2018    
14:00 - 16:00

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Cette conférence-débat autour de recherches menées dans le contrat H2020 Odycceus se tiendra à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, s. 216, Centre Panthéon, 12 pl. du Panthéon

Elle est organisée dans le cadre de la 1re édition des Assises de la recherche sur « Déplacer les frontières de la recherche en sciences humaines et sociales », de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, tutelle de la FR2007 CIST, qui se tiendront dans les différents centres de l’université du 10 au 15 décembre 2018.

[sur inscription avant le 7 décembre 2018]

Modéliser la circulation des nouvelles internationales à l’aide des flux RSS des journaux quotidiens

Claude Grasland, directeur, FR 2007 CIST, projet ODYCCEUS

Cette communication propose de décrire la circulation des nouvelles internationales à l’aide d’un modèle d’interaction spatiale de type gravitaire, désagrégé par période temps et par journal.

L’analyse des nouvelles internationales publiées à travers les flux RSS de 31 quotidiens en 2015 montre, premièrement, que bon nombre des lois sur la circulation de l’information internationale prédites il y a un demi-siècle par Galtung et Ruge sont toujours valables. Le nombre de citation des pays dans les médias reste fortement déterminée par les effets de taille (superficie, population), avec une couverture plus importante des pays riches (PIB / habitant) bénéficiant du statut d’élite (membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, Saint-Siège). L’effet de la distance géographique et d’une langue commune reste un facteur majeur de la couverture médiatique dans les salles de presse. En contradiction avec l’hypothèse d’un monde plat, le journalisme mondial reste une exception et le provincialisme est la règle.

Pays ayant bénéficié d’une attention médiatique supérieure (noir) ou inférieure (blanc) aux prévisions d’un modèle d’interaction en 2015

La désagrégation du modèle par semaine suggère que les règles régissant les nouvelles étrangères peuvent être temporairement modifiées par des événements exceptionnels qui modifient les déterminants habituels, produisant de courtes périodes de « consensus mondial » pouvant profiter aux pays de petite taille, pauvres et éloignés. Les résidus du modèle aident à identifier les pays caractérisés par un excédent permanent de couverture médiatique (comme les États-Unis ou l’Australie dans notre échantillon) ou des médias ayant bénéficié d’une couverture plus importante que d’habitude pendant plusieurs mois (Yémen, Ukraine) ou des années. (Syrie, Grèce) en raison d’une situation de crise politique ou économique à long terme.


Identifier une « crise » dans les médias<br /> Essai d'analyse systémique de la dynamique d'opinion de la crise migratoire dans la presse internationale

Étienne Toureille, post-doctorant, FR 2007 CIST, projet ODYCCEUS

L’année 2015 fait figure d’année terrible dans l’histoire des migrations en Méditerranée. Elle fut le moment d’une prise de conscience généralisée des enjeux humanitaires liés à la traversée des frontières maritimes de l’Europe, une thématique souvent réduite à un cénacle de gestionnaires, militants associatifs, journalistes spécialisés ou encore universitaires. Pourtant, l’usage du terme « crise migratoire » fait débat dans la sphère académique. Aux défenseurs de l’expression qui mettent en avant le caractère sans précédent de l’intensité du flux migratoire, du nombre de morts aux frontières ou de ses répliques dans la sphère publique (révision des quotas d’accueil, fermetures de frontières étatiques, prises de positions de politiques d’envergure nationale et supranationale), ses détracteurs rappellent que la tension migratoire en Méditerranée n’est pas nouvelle et que ses formes trouvent leurs origines dès les années 1990 et la mise en place de frontières externes à l’UE lors de la création de l’espace Schengen.

Trajectoire médiane du flux d’information médiatique hebdomadaire consacré au fait migratoire dans 26 quotidiens de référence

Ainsi, entendu comme une « manifestation brusque et intense de certains phénomènes, marquant une rupture » (TLF) le terme de « crise » est-il adapté pour caractériser le traitement des événements récents traitant du fait migratoire en Méditerranée dans la presse internationale ? En laissant de côté l’analyse du phénomène migratoire à proprement parler, cette présentation sera l’occasion de questionner l’exceptionnalité de l’année 2015 en tant que moment de rupture dans la manière d’aborder cette thématique, à partir d’un corpus multilingue et international de journaux de référence (26 journaux, 16 pays). Quelles sont les pulsations du traitement médiatique (moments d’émergences, de focalisation et autres pics) ? Quels sont ses rythmes ? Sont-ils les mêmes dans les différents pays du Monde (de la France à la Bolivie, en passant par le Zimbabwe et Hong Kong) ? Ou peut-on voir émerger des inégalités de traitement ? Sont-ils liés à des différences linguistiques ? Régionales ? Le changement quantitatif de l’information a-t-il pour conséquence de modifier son contenu qualitatif ? En tant que géographes on prêtera une attention particulière à la géographie des lieux associés à la thématique migratoire, en tant qu’ils participent de sa mise en imaginaire, ainsi qu’à la mise en contexte sur des temporalités plus longues des contenus tant sémantiques que spatiaux du discours relatifs la figure de l’étranger dans les différents contextes linguistiques.


Faire sécession dans l'espace post-soviétique<br /> Regards croisés de la presse russe et française sur les conflits de frontière au Caucase

Romain Leconte, doctorant, FR 2007 CIST, projet ODYCCEUS

Le conflit géorgien de 2008 autour des régions sécessionnistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud a rouvert dans la sphère médiatique internationale un conflit de représentation : ces territoires sécessionnistes sont-ils légitimes ? En effet, ces États de facto ont acquis leur indépendance depuis la chute du bloc soviétique, sont des territoires délimités par des frontières et dotés d’institutions les administrant mais ne sont pas pleinement reconnus par la communauté internationale. La guerre de 2008 a ouvert la voie à la reconnaissance de la part de la Russie et d’une poignée de pays alors que la majorité de la communauté internationale a défendu l’intégrité territoriale de la Géorgie.

Le recours aux autres cas de sécessionnisme dans l’argumentaire des nouvelles sur l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud en 2008 : intensité des liens de co-citation

Dans cette controverse, les médias d’information, en contribuant à la connaissance des espaces géographiques proches et lointains, produisent des cartes mentales des frontières, des territoires légitimes et des représentations des acteurs de la scène internationale. L’étude des discours géographiques comme des technologies de pouvoir et de production du territoire, en s’intéressant aux articles de presse publiés au sujet de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud en 2008 permet de saisir les logiques de production de la légitimité territoriale. L’analyse croisée des discours de la presse écrite russe et française montre que la production de la légitimité territoriale repose sur trois leviers :
– d’abord sur la mise à l’agenda des territoires sécessionnistes dans la sphère médiatique, c’est-à-dire la visibilité accordée à ces espaces dans la presse. L’analyse diachronique de la couverture de ces territoires permet d’observer les écarts entre la presse française et russe (qui couvre 10 fois plus ces territoires), ainsi que les moments de cristallisation du conflit dans l’actualité (2004, 2008, 2014).
– ensuite sur la production de représentations manichéennes (positives ou négatives) des acteurs du conflit. Si certains acteurs du conflit bénéficient de représentations stables, d’autres sont plus volatiles ou polarisées.
– enfin sur le positionnement des territoires dans des généalogies et des mémoires plus vastes et plus anciennes (espace post-socialiste, Europe…). Le recours aux autres cas de sécessionnisme dans l’argumentaire des nouvelles sur l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud en 2008 fait appel à des logiques de mémoire, de jurisprudence ou d’anticipation pour légitimer ces territoires.

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